LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°57


Éditorial

Contractions temporelles
Joseph Roth a pu écrire au sujet de ce qu’il se passait dans le Berlin de l’entre-deux guerres : « Une confusion bien ordonnée ; un arbitraire exactement planifié ; une absence de buts sous une apparence de finalité. Jamais encore autant d’ordre n’a été appliqué au désordre. » (hier).
Plus brutal, Emmanuel Todd est parvenu, lui, à la conclusion qu’en France : « Le projet socialiste n’était plus qu’un banal cas d’escroquerie en bande organisée. » (aujourd’hui).
Antonio Porchia, ce fouisseur d’abîmes, a écrit : « La peine humaine, quand elle dort, n’a pas de forme. Si on la réveille, elle prend la forme de qui la réveille. » (Voix 159). Plus près de nous encore, il notait : « Des étrangers, des étrangers, des étrangers, une infinité d’étrangers. Et moi, un étranger tout seul. » (Voix 218) (aujourd’hui, hier, demain, toujours).


TK-21 LaRevue
poursuit sa quête inlassable de points de vue différents sur le monde, d’analyses sur les images d’aujourd’hui, de découvertes d’œuvres récentes ou anciennes, sans préjuger de leur statut dans le champ élargi de la reconnaissance.

Avec Logiconochronie VIII, intitulée Néants sans l’être (1/2), Jean-Louis Poitevin présente des aphorismes anciens écrits entre 2001 et 2002. Il renforce ainsi la lisibilité de son décryptage des arcanes psychiques qui conduisent au cœur du labyrinthe en quoi nous avons transformé l’être. Nous nous y tenons enfermés, convaincus que nous sommes que sans l’être, la pensée ne serait pas. Ces Logiconochronies tissent un fil indiquant des voies pour s’orienter dans le labyrinthe.

Sylvain Paris, Hélène Tyrtoff, Martial Verdier publient Atlas Rrose Semoy, un ouvrage composite fait d’accumulations et de saturations de lignes, de taches de couleurs, de paysages de corps. Cases, lettres, fausses légendes cartographiques, topologie pensive, tout est à la fois indication, élément d’orientation et de désorientation. Croisant peinture, écriture et photographie, l’Atlas Rrose Semoy invite le lecteur à inventer ses repères pour le plaisir de l’apparition.

Stéphane Le Mercier nous fait découvrir le travail, inconnu en France, d’Albrecht/d. (1944-2013). Il fut artiste, éditeur, musicien, chacune de ces activités se déployant en une nébuleuse d’activités secondaires (performer, activiste, créateur d’instruments sonores). Grâce à ces modulations, il lui fut possible de modifier le cap autant que nécessaire. Il disparaissait de la scène artistique pour réapparaître là où nul ne l’espérait, selon une technique propre à la guérilla. Aujourd’hui il revient dans TK-21 LaRevue.

Célèbre en Allemagne, le cinéaste et écrivain Alexander Kluge ne jouit en France que d’une réputation d’estime. Il fait cependant la Une pour un livre traduit en Français, La chronique des sentiments, qui paraît aux Éditions P.O.L. Herbert Holl et Kza Han qui ont participé à la traduction (supervisée par Vincent Pauval), nous livrent un texte « inactuel » décryptant la manière dont Kluge fait de Heidegger le pérégrin de cette figure spiralée de pensées, hauts-faits, méfaits, expérimentés en tiers inclus spectral dans la trouée que laissa Hitler, le « tiers invisible ». Trois poèmes de Kza Han ouvrent cette méditation à une troisième dimension.

Nous poursuivons la découverte du jardin anté-historique de Mark Brown à travers la seconde partie de l’entretien réalisé par Alain Wagner et Virginie Rochetti, un voyage qui finalement nous conduit vers l’un de nos futurs.

Le troisième et ultime volet de l’entretien que nous a accordé Jean-Denis Bonan, l’auteur de ces films aujourd’hui accessibles que sont La femme bourreau et La tristesse des anthropophages, nous conduit sur les traces non plus du cinéaste mais du peintre qu’il est aussi. Les images dont il est question ici révèlent leur relation intime et incestueuse avec les mots, nous révélant l’impossible séparation qu’on ne cesse de vouloir établir entre ces deux « manifestations » de notre relation au monde.

TK-21 LaRevue
publie le texte de la conférence faite par Bernard Perrine à l’Académie des beaux-arts pour le deux-cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Nicéphore Niépce. C’est l’occasion d’un voyage sur les chemins de traverses qu’ont parcourus ceux qui de près ou de loin, ensemble ou séparément, ont « inventé » la photographie. Car les zones d’ombre qui entourent cette « naissance » sont encore source de multiples questions.


TK-21 LaRevue
poursuit son travail de défrichage et de découverte. Les œuvres du jeune artiste Floryan Varennes, décryptées par Jean-Louis Poitevin, sont habitées de visions en noir et blanc qu’il incarne dans des installations paradoxales faites de morceaux de vêtements, agencés comme des dispositifs, d’objets divers, de dessins au stylo. Ces œuvres proposent sur le mode de la bienséance, une méditation forcenée sur la violence faite au corps en mobilisant des formes qui, liées à un Moyen Âge repensé, nous propulsent dans le monde de l’art contemporain.

En février, Alisa Phommahaxay a montré des images de clubbing à l’Espace Éphémère. Elle réédite avec une exposition d’un soir, jeudi 28 avril au Chacha Club, avec un choix d’images plus crues, orientées sur les aspects les plus directement liés à la sexualité. Lorraine Alexandre, Karen Assayag, Marine Gaillard, Arthuro Peduzzi, Marie Rouge et Hannibal Volkoff y déploieront leurs visions. Jean-Louis Poitevin aidé par les réflexions d’Hannibal Volkoff revient sur ces pratiques qui mettent en jeu une pensée des corps qu’on a trop tendance à occulter.

Michael Duperrin est de retour avec un second moment autour de son projet Odysseus, un passager ordinaire. Il y évoque les lieux dans lesquels Ulysse est censé être passé lors de son long voyage de retour, des lieux qu’il présente tel qu’ils sont d’aujourd’hui au moyen de photographies d’un bleu profond comme les mers. Et à travers ces images et les souvenirs qu’elles font remonter en nous d’Ulysse, c’est la forme de notre psyché que nous pouvons en quelque sorte regarder droit dans les yeux.

Fidèle à TK-21 LaRevue, Laetitia Bischoff nous fait voyager d’un bord à l’autre du cercle polaire, en nous faisant décrouvrir l’univers photographique d’Esther Berelowitsch qui entend faire glisser les visages photographiés vers des paysages et faire que l’image et les mots conversent en leur langue.

Les liens de TK-21 LaRevue avec la Corée sont anciens et profonds. Nous poursuivons notre découverte de la jeune photographie coréenne contemporaine en présentant des œuvres de Jang Susun, qui nous entraîne dans les entrailles de la terre, du métro en construction où il photographie des travailleurs vêtus de leurs habits de lumière. Comme souvent avec les artistes coréens, l’histoire n’est pas loin, mais l’influence de la pensée française non plus. De plus, avec ces images quelque chose de concret a lieu : « physical space become a sensual place carved remember. »

Française mais vivant en Corée depuis plus d’une décennie, Élodie Dornand de Rouville expose à Paris des dessins d’une facture et d’une qualité rares. Parallèlement au travail qu’elle a mené pour l’illustration du livre Croquis de Corée (Texte Benjamin Joinau, Éditions Atelier des cahiers), elle a réalisé un ensemble de dessins d’une facture subtile. Chaque dessin est un ballet de fines correspondances visuelles, teintées d’onirisme et d’ironie, qui révèlent un regard personnel, empirique, jubilatoire et incisif sur la société coréenne.

Joël Roussiez persiste et signe et clôt ce numéro avec un court texte qui de la description d’un combat nous entraîne à grande vitesse dans un face à face amoureux. Et s’il y a victoire, elle loge tout entière dans un regard.

Avec Aussicht auf Erinnerung, oder : morgen, Havanna ! c’est la version allemande du texte que Jean-Louis Poitevin a consacré à une nouvelle série du photographe allemand Gert Wiedmaier (TK-21 N° 54) réalisée à La Havane. Ce texte a été traduit par Caroline Gutberlet.


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