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L’ombre des images dans la trame des mots
3/3 Le peintre
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Pour la troisième et dernière partie du long entretien qu’il nous a accordé, Jean-Denis Bonan évoque ses activités artistiques non cinématographiques, c’est-à-dire essentiellement la peinture et le dessin.
L'image comme écriture, Jean-Denis Bonan 3/3 from BERNARD Hervé (rvb) on Vimeo.
Ce qu’il tente à travers ces pratiques créatrices, c’est de se rapprocher du mystère qui nous porte et nous constitue tous, nous humains, celui qui se révèle et s’obscurcit en même temps à chaque fois que nous parlons, traçons un signe ou faisons une image, le mystère de la relation entre mots et images.
C’est à ce mystère que se confronte Jean-Denis Bonan dès son jeune âge comme le montre avec précision l’anecdote de la photographie impossible parce qu’interdite par la « loi biblique » de son grand-père, grand rabbin de Tunis, faite par son père en cachette et en secret. L’interdit, réel et fantasmé, de l’image se retrouve donc ici mis au centre d’une vie créatrice qui aura en quelque sorte consisté à le déchiffrer en le révélant et l’obscurcir en même temps. Ainsi doit-on entendre cet entretien comme une manière qu’a le cinéaste de parler avec le peintre, et réciproquement, chacun disant ici à l’autre ce qu’il en est de sa position vis-à-vis des images et donc vis-à-vis du texte. C’est écrivain qu’aurait aimé devenir Jean-Denis Bonan, mais sous l’effet d’un « interdit » de type secondaire quoique très efficient, il s’est orienté finalement vers le texte dans la mesure où il est lié aux images, texte implicite ou explicite des scénarios, ou lettres réelles ou rêvées, missives ou signes tracés sur le papier ou la toile et qu’il s’agit là aussi de révéler, non dans leur signification manifeste, celle du texte, mais dans la signification seconde dont est porteur tout texte, à savoir qu’il est une porte ouvrant sur l’imaginaire.
Ici se révèle une situation paradoxale, celle d’un homme qui a à la fois réalisé des images filmiques mais tout à fait habitées par des schèmes imaginaires et réalisé des tableaux hantés par le geste de la main, le graphe, le mot, la lettre et finalement sinon la rature du moins le recouvrement.
À travers cet entretien c’est toute la « dialectique » impossible et pourtant réelle qui nous traverse et nous porte à chaque instant de notre vie qui est mise ne perspective, car nous parlons autant que nous voyons, nous ne cessons de traduire des images en mots et des mots en images, mais le faisons sans y penser, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir.
C’est d’ailleurs ce qu’a fait Jean-Denis Bonan, ne pas le savoir, et en s’obstinant à ne pas savoir il a déployé les arcanes d’un secret qui n’a pas pour fonction d’être révélé et ainsi aboli comme secret mais activé et ainsi prolongé comme puissance magique.
Il y a une magie des images, mais aussi des mots et le véritable travail d’un créateur c’est de tenter de nous en faire éprouver les effets. Ici, en se livrant sans réserve, il nous en fait aussi éprouver les bienfaits, car à l’écouter raconter comment cela s’est tissé et détissé en lui pour se retisser au-delà de lui dans une œuvre multiple, il nous révèle comment le dessin des images se mêle dans la trame des mots à la vie même pour en faire non tant une « œuvre » qu’« une » vie.