LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue, n°80


Éditorial

« Ces gens-là — ceux qu’il faut désormais appeler les élites obscurcissantes — ont compris que, s’ils voulaient survivre à leur aise, il ne fallait plus faire semblant même en rêve, de partager la terre avec le reste du monde. » (Bruno Latour : Où atterrir ? La découverte)

« Nous étions évidemment sans papiers, la plupart n’avaient pas les papiers, et nous avons payé très cher pour les avoir, le prix fut exorbitant, il a fallu perdre des personnes chères ou se brûler comme moi, mon mari et d’autres, pour qu’ils nous donnent ces papiers, quelques jours après, alors qu’on n’en rêvait même plus. » (Fatma Ouled ben Abid, in L’hôtel Paris-Opéra de Claire Lévy-Vroelant, Créaphis)

TK-21 REÇOIT, tous les seconds mercredi du mois.
Présentations d’œuvres, lectures, rencontres, débats, ce « jour fixe » s’impose comme un moment fort sur la scène culturelle parisienne.

MERCREDI 11 AVRIL
à 19h à la galerie du Génie de la bastille
126, rue de Charonne, 75011 Paris

Vous êtes conviés à une rencontre avec le photographe POL LUJAN et le Sculpteur JEAN CHAZY au sein même de leur exposition pour une présentation de leurs œuvres.



Pour le Numéro 80 TK-21 LaRevue poursuit ses explorations multipolaires, ses incursions dans le domaine de l’art, des images, de la littérature avec comme toujours des inédits, des œuvres inconnues, des parcours atypiques et des plongées dans des pays proches ou lointains.

Nous sommes particulièrement touchés par la générosité du photographe américain Ralph Gibson, dont certaines œuvres, associant image et musique, sont présentées à la galerie Thierry Bigagnon. Le photographe nous a accordé un long entretien dont nous publions aujourd’hui la première partie, entretien accompagné pour nous de l’un des deux morceaux de sa composition qu’il a eu l’amabilité de nous jouer.

TK-21 LaRevue
est aussi une revue qui, à partir du prisme des images, du texte, du montrable et du dicible mais aussi de ce qui échappe à la visibilité, suit de près ce qui se passe dans le domaine urbain et dans la vie sociale, française en particulier.
La publication aux Éditions Créaphis d’un ouvrage « hors norme » dû à l’investissement de Claire Levy-Vroelant et aux témoignages des victimes rescapées de l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra qui eut lieu en 2005, ouvrage intitulé tout simplement Hôtel Paris-Opéra, nous permet de revenir d’une manière directe aux question sociétales.
Jean-Louis Poitevin a choisi de prendre appui sur cet ouvrage pour écrire sa Logiconochronie XXVI, sous la forme d’une lettre adressée au premier de cordée de la SARL France. En effet, Monsieur le Président E.M. a reçu ce livre en main propre au salon du livre et l’a mis directement dans sa poche. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il a pu trouver un instant pour l’ouvrir et qui sait, pour le lire.

TK-21 LaRevue
poursuit sa collaboration avec la Revue Corridor Éléphant qui nous propose de publier un article et des images issus du travail du photographe Mathieu Bauwens autour de la Belgique, un territoire qui est à la fois une frontière historique, datant des romains, et une frontière linguistique. Lieux et personnes semblent ici parler, eux, cette langue inconnue qui peut transformer la frontière en mur.

Le voyage en Iran se poursuit, toujours à l’initiative d’Anahita Ghabaian qui dirige la Silk Road Gallery à Téhéran. Cette fois c’est à la découverte d’une oeuvre riche et rare, à multiples facettes, d’une artiste femme sur laquelle il faudra compter en Iran comme ailleurs, qu’elle nous invite. Negar Farajiani est en effet à la fois une artiste inventive et une conscience acérée des enjeux planétaires, avec cette qualité supplémentaire qui lui permet de produire des œuvres photographiques, des installations et d’autres encore, dont la puissance expressive dépasse de loin la simple illustration de questions ou de problèmes sociétaux ou esthétiques.

TK-21 LaRevue
se réjouit d’accueillir enfin des images et des textes relatifs à un aspect de la pratique si variée et si inventive de l’artiste Denis Tricot. La singularité de sa démarche, son travail de sculpteur et ses interventions dans l’espace des villes et des villages, son lien avec des musiciens et des danseurs, tous ces éléments confèrent à son œuvre un rayonnement que nous sommes heureux de vous faire partager ici pour la première fois à travers sa collaboration nouvelle, car il est ici celui qui dessine, et passionnante, avec un duo intitulé Fuse avec le danseur Gilles Viandier.

Nous publions la dernière partie de l’entretien que nous accordé Eleonore de Lavandeyra Schoffer. C’est un moment riche d’informations sur la manière de travailler du grand artiste encore trop méconnu que fut Nicolas Schöffer et sur son statut d’artiste visionnaire qui en fait, un demi-siècle après la mise en place de ses idées majeures, un artiste absolument actuel et donc intégralement contemporain, comme le confirme la grande exposition visible actuellement au LAM de Villeneuve d’Ascq.

Grâce une actualité intense en ce début de printemps, nous revenons sur le travail de Martin Mac Nulty qui expose cette fois seul à la galerie Patricia Dorfmann. Ses sculptures à paillettes sont autant de météorites chues sur terre comme envoyées de l’infini par un père Noël facétieux. Mais une fois au sol, elles deviennent des sculptures insensées, au sens strict, qui pourtant, par le réseaux de clignotements secrets qu’elles s’envoient entre elles, surtout en notre absence, semblent porteuses de messages ignés et essentiels. Reste à trouver ou à inventer en nous-même la langue qui permet de les décrypter. Le texte juste de Florence Cook nous aide à nous perdre et à nous retrouver dans cette forêt imaginaire venue d’ailleurs.

Avec Sincronia, article et artistes qui seront présentés en retour par la revue Corridor Éléphant, c’est l’histoire d’une rencontre entre deux villes portuaires qui se racontent. C’est autour du désir de partager par des cheminements photographiques deux univers urbains lointains et sans aucun passé commun, deux ports qui racontent des histoires semblables, des usages communs et surtout des espaces laissés de la même manière en déshérence, que Christophe Galatry et Eva Alonso se sont trouvés et sont parvenus à nous offrir ces images singulières.

TK-21 LaRevue
a déjà présenté son travail photographique ainsi que filmique. Présent sur la scène parisienne avec une exposition à la Galerie du Génie de la Bastille, Pol Lujan nous offre des images qui toutes parlent la langue poétique d’une réalité en proie à une imagination verticale, preuve s’il en était besoin que l’âme humaine ne cesse de chercher à la fois à comprendre pourquoi elle tient au sol et pourquoi elle rêve de s’en éloigner.

À l’occasion de l’exposition "L’invention de Morel ou la machine à images" qui se tient à la Maison de l’Amérique latine, il apparaît à TK-21 LaRevue nécessaire de republier le texte de la conférence de Jean-Louis Poitevin, faite en 2007 (TK-21 N° 10), dans laquelle il montre que si l’image pour Bioy Casares est du côté du passé, sa puissance s’exerce pourtant sur l’avenir, en ceci que dans un monde gouverné par la magie, l’histoire et la logique n’étant plus la voix dominante permettant de s’orienter dans l’existence, il devient possible de préférer une éternité fausse — éternité promise par l’image — à une vie réelle, vraie, mais qui ne connaît comme éternité que celle des éclats discontinus émis par son « aura ».

Laetitia Bischoff est de retour avec un texte étonnant. « Si j’étais une Curieuse avec un bout de maison destiné à mes trouvailles remarquables, si mes poches étaient pleines et mon temps voué à m’y consacrer, j’y ferais entrer les œuvres d’Olivia Benveniste, de Claudia Fontes, de Pascale Klingelschmitt et de Kate Mc. Guire ». Ces quatre femmes, présentées par la plume magique d’une cinquième, poétesse et prosatrice cristalline, nous entraînent dans des modes si différents qu’en effet rassemblés ils constituent à eux seuls un cabinet de curiosité.
Nous ouvrons ici la partie de la revue où trouvent place les écrivains et les poètes.

Alain Coelho est de retour avec ces Images d’Aurore, un premier chapitre consacré à l’entrelacement des souvenirs d’enfance où se croisent les héros de L’Iliade et de l’Odyssée, la voix de sa mère et les photographies d’un grand livre où l’on voyait aussi des hommes contemporains sur des chantiers de fouilles. Démêler cet écheveau c’est entrer dans la part vivante de ce qui dépasse et englobe et les souvenirs et la mémoire et qu’on appelle littérature.

Joël Roussiez est toujours présent avec Trois nouvelles petites proses qui nous emportent dans des récits qui s’inventent à la vue des chapiteaux ornant des églises du Moyen-Âge.

TK-21 LaRevue
poursuit son investigation du monde de William Radet et publie la seconde partie de sa Floulosophie, une réflexion qui nous invite à passer par-delà le seuil des apparences pour entrer de plain-pied là où « Il n’y a pas de réponses parfaites dans un monde qui change… mais le flou, ironique infini, participe à sa façon à la recherche du mieux vivre dans le fini commun ».

En clôture de ce N° 80, Jean-Louis Poitevin poursuit la publication de son Debord Décept, un ouvrage qui ne commémore ni n’encense mais tente de faire le point sur ce qu’il en est de la forme historique de la conscience en évoquant dans cette troisième partie les enjeux posés par les relations entre l’oubli, la mémoire et la vérité lorsque ces notions commencent manifestement à être violemment « démonétisées ».


Photo de couverture : Ralph GIBSON - Los-Angeles, 1966

De nombreux problèmes subsistent encore pour des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.