LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue
n°103


Éditorial

« Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »
« Les menteurs étaient comme toujours au pouvoir ; mais le développement économique ne leur avait pas encore donné les moyens de mentir sur tous les sujets, ni de confirmer leurs mensonges en falsifiant le contenu effectif de toute la production. »
« Le destin du spectacle n’est certainement pas de finir en despotisme éclairé »
(La société du spectacle, In girum…, Commentaires sur la société du spectacle)
Guy Debord

TK-21 LaRevue connaît une évolution sensible du nombre de ses lecteurs. Il n’en reste pas moins que les soutiens concrets restent en deçà de nos espérances. Nous avons besoin de VOUS pour avancer dans ce qui se présente aujourd’hui comme une des aventures éditoriales les plus ambitieuses dans le monde des revues en ligne. Car nous sommes un magazine et pas un blog et c’est la réponse constante à l’exigence qui accompagne une telle publication qui nous assure aujourd’hui notre visibilité.

La reprise du séminaire de Jean-Louis Poitevin à la galerie Hors-Champs participe de ce nouvel élan qui nous conduit à souhaiter vous offrir des moments de rencontre autour des questions qui nous animent. La prochaine séance aura lieu le mercredi 26 février à partir de 19 heures 45 à la galerie 20, rue des Gravilliers.

Présences ultra contemporaines

Nous ouvrons ce numéro avec la présentation de l’exposition qui ouvrira ses portes le mardi 4 au Centre culturel canadien (130 rue du Faubourg Saint-Honoré). Ce Centre culturel fête cette année ses 50 ans de présence à Paris et ses deux ans dans ce nouveau lieu digne d’un musée. Il importe de remarquer combien une telle présence de qualité, non seulement tranche avec le tout-venant des instituts culturels tels qu’il se déploient toutes nations confondues dans le monde entier et peut passer pour un exemple et même un modèle de ce que devrait être au moins dans les capitales une présence culturelle étrangère. Dominique Moulon et Alain Thibault ont réalisé une exposition de très haut niveau qui s’inscrit dans le festival Nemo et dont nous présentons ici le thème général les grandes lignes et les artistes.

Toujours le plus jeune des artistes de renom et le plus inventif et provocateur, Fred Forest revient une fois encore hanter le pavé parisien. Il expose à la toute nouvelle galerie Mortier, 77 rue Amelot, dont il fait l’ouverture. Il faut accepter de se plonger dans cette œuvre décapante qui prend une fois encore à revers la tendance lourde, comme on parle d’armes lourdes, du marché de l’art à proposer de faux scandales esthétiques qui ne sont que des blagues vieillies en fût plastique dans des entrepôts déclassés. Bienvenue dans le monde de la banane invisible de Fred Forest !

Jaewook Lee, notre correspondant vivant aux États-Unis et voyageant souvent en Corée, son pays d’origine, nous permet de prendre la mesure de l’évolution d’un artiste que nous suivons depuis plusieurs années, Jaewoo Oh. « The exhibition consisted of two single-channel video projections, multiple rock-shaped objects, two-dimensional works, poetic wall texts, sounds, and a series of performances. The artist explored how the traditions weave into different forms of modern Korean life. »

Floryan Varennes est encore un jeune artiste mais il occupe déjà une place à la fois en vue et singulière sur la scène française contemporaine. Chercheur médiévaliste, il est surtout un artiste qui produit une œuvre rare qui par les choix de ses matériaux et de ses questionnements est d’une actualité plus que pertinente. Nous sommes heureux d’accueillir le texte que Florian Gaïté a écrit pour accompagner Ultra-lésions, l’exposition qui se tient en ce moment à Toulon.

Nous publions la seconde partie du remarquable texte de Romane Charbonnel consacré au travail d’Alberto Sorbelli. Elle nous propose une lecture riche de ce travail hors norme, qui de Foucault à Agamben, pour ne citer qu’eux, nous ouvre les portes sur un champ peu exploré de l’art contemporain, celui dans lequel vie et œuvre ne font « véritablement » qu’un.

Dominique Moulon nous propose un texte consacré à l’exposition actuellement au Bourget, à la Capsule, de Thibault Brunet. Il y déploie une analyse précise du statut des images dans le champ de la guerre, images qui sont au cœur du travail de l’artiste. On y verra comment si « les cartes des militaires précèdent les conflits armés, ce sont toujours les images qui l’emportent en documentant ces derniers pour en préciser, avec la plus grande des exactitudes, l’effroi qui en résulte : des tableaux de la Bataille de San Romano de Paolo Uccello aux tirages sépia d’amoncellements de boulets de canons de Roger Fenton. »

Pratiques photographiques

Jeffrey Wolin revient enfin dans TK-21 avec les premiers tirages de son nouvel opus. Artiste sérieux et méthodique, il produit des séries qui demandent un long temps de maturation et de travail. Faces of homelessness nous conduit à la rencontre des déclassés de la société américaine. Les images sont toujours accompagnées de textes qui reprennent les propos des gens photographiés. Nous proposons en français le long texte de l’artiste décrivant sa méthode, son projet, son ambition dans une traduction de Christine Lenormand.

Une nouvelle galerie coréenne et française, la Galerie Kasah, vient de s’ouvrir à Paris, 10 rue de l’arbalète. Lee Minho, une photographe qui a longtemps vécu ici, y revient pour présenter ses nouvelles images qui conjuguent avec justesse des visions de notre monde que des nuages de fils de laine viennent troubler de leur inquiétante passivité. Ces images sont accompagnées d’un texte de Christophe Morin qui est impliqué dans cette galerie dirigée par Sanghoon KANG.

Dans cadre de notre partenariat avec Corridor Elephant, nous accueillons le travail d’Alessandra Calo dans lequel images et cartes, là aussi, se rencontrent pour nous permettre de mieux comprendre comment le corps se marque des territoires et les territoires s’inspirent toujours des corps quand il s’agit d’être dessinés.

Philosophie et littérature

TK-21 LaRevue, à la différence de nombre d’autres revues d’art, ne propose pas tant des critiques sur les œuvres que les œuvres elles-mêmes et en particulier lorsqu’il s’agit de philosophie ou de littérature.

Le troisième volet du séminaire enregistré le 29 janvier dans la galerie Hors-champs, que Jean-Louis Poitevin consacre au sujet « faire face au mensonge absolu », nous conduit dans les arcanes les plus radicaux de la pensée de Guy Debord. C’est en effet l’un des rares auteurs à « oser » avoir recours à ce terme de « mensonge absolu » pour caractériser la société spectaculaire marchande dans laquelle pour le meilleur et surtout désormais pour le pire nous nous sommes condamnés à vivre. Nous publions en parallèle le texte des notes sur lesquelles il base son exposé.

Herbert Holl et Kza Han nous proposent de découvrir un artiste allemand méconnu, disparu en 2012, à Nantes où il vivait, Ekkehart Rautenstrauch. Dans un texte complexe mais inspiré, ils parviennent à nous faire comprendre l’enjeu profond qui animait ce travail. Ils soulignent en particulier autour de la question philosophique de la déclosion la manière dont la stéréoscopie qui était au centre de ces œuvres plastiques vient à la fois percuter nos certitudes relatives à la perception et à la religion. Les courts poèmes de Kza Han proposent un contrepoint au sens musical à cette rencontre énigmatique.

Nous poursuivons la publication de La spiritualité païenne, livre de Pedro Alzuru, philosophe vénézuélien exilé désormais en France. Outre qu’il écrit cela directement en français, l’auteur montre une connaissance profonde des derniers textes de Foucault qu’il nous invite à découvrir en proposant aujourd’hui de nous confronter à la question de savoir comment « à partir des Ier et IIe siècles, on passe de la question de comment aimer les garçons philosophiquement, à la question comment se marier philosophiquement ? »

Laetitia Bischoff, chroniqueuse régulière et surtout poétesse, nous offre aujourd’hui un texte très personnel puisqu’il s’agit pour elle d’évoquer l’endroit où elle vit. Nous l’accompagnerons grâce aux mots dans un univers dans lequel peu d’entre nous, les urbains, auront la chance de se retrouver. « Quand le vent souffle et que le parpaing tient bon, l’entier châssis de la maison bouge, se resserre sur ses habitants emmitouflés. Les loirs et les souris ne bougent plus, les murs trouvent un autre chant. Ils glapissent et semblent tournoyer comme la coque d’un bateau pris de tempête. »

Avec le quatrième chapitre de la seconde partie de Images d’aurore, Alain Coelho poursuit son exploration de Tunis et de la Tunisie de son enfance. Il nous conduit cette fois, encore toujours plus près des processus qui participent à la genèse d’une pensée. « Alors au sortir du jardin, l’éboulement sur la route de goudron et de terre, comme celui de nos connaissances et de nos récits, avait une forme, telle secrète et indiciblement mienne, à retrouver et connaître. »

Joël Roussiez vient clore ce numéro avec Manière de faire ce qui se chante encore ou la mort de Rowshan, une évocation de mondes anciens et disparus dans lesquels la beauté n’était pas encore devenue un vain mot. « Aïe, aïe, les berges sont rugueuses, on y déchire sa peau, le poète l’a chanté : comme des herses de pierres sont les rives du Mahad. Yahoup, yahoup ! »


Photo de couverture : Jeffrey Wolin, David 8.5x11 12-17-19

De nombreux problèmes subsistent encore pour des utilisateurs de Safari. Le mal semblant être profondément ancré chez Apple, nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra par exemple.
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