dimanche 2 février 2020

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Fil blanc

une exposition de Minho Lee, Galerie Kasah, Paris

, Minho Lee

C’est grâce au fil de l’écheveau que le spectateur peut espérer retrouver sa mémoire perdue. Par la photographie, l’artiste tente de réveiller les consciences endormies, et plonge paradoxalement le spectateur dans un chaos onirique.

Minho Lee n’est pas une nouvelle venue dans le marché de l’art.

Après des études d’art en France à l’université Panthéon-Sorbonne, sa carrière s’est déroulée en France dans les années 90s, puis en Asie : la Corée du sud, sa terre natale, mais aussi au Japon où elle a régulièrement exposé depuis 2007. Déjà bien connue pour son œuvre graphique et peint, présenté à la galerie de Buci depuis 1997, elle a confié cet hiver une série de photographies sous le titre Fil blanc à la galerie Kasah, fraîchement ouverte au 10 rue de l’Arbalète (Paris Ve).

Ses compositions montrent des paysages oniriques mêlant nature et civilisation dans des assemblages dont le point commun est un écheveau de coton brut qui semble flotter dans l’azur. Elle explore ici les friches industrielles de Busan, une piscine désaffectée, des brise-lames de béton noir trouvés au Vietnam, qui composent des paysages navrants et poétiques, ultime expression du fameux spleen coréen (Han).

Les écheveaux évoquent la patrie de l’artiste, ces années 80 du siècle dernier où la ville de Busan, ville portuaire, a connu une grave crise économique qui a décimé les usines textiles, parties en fumées…

Dans le chaos, d’une société en mutation, il n’est plus de haut ni de bas et les écheveaux, tels le fil d’Ariane, demeurent la dernière trace d’une humanité qui a disparu du champ photographique. L’artiste propose des œuvres photographiques sociale et surréaliste, poétique et imaginative devant lesquelles le spectateur peut méditer sur son temps, dans le silence feutré des écheveaux.
Minho Lee explique son travail par la citation de Maurice Blanchot « Ce dont je me rappelle ne vient pas toujours de moi » (L’Attente l’oubli, Paris, Gallimard, 1962). Cet autre spécialiste du silence entre ainsi en résonnance avec les photographies présentées. Comme l’essayiste, Minho Lee tente une dépersonnalisation de ses œuvres par l’épure.

Point d’anecdote, mais une étude approfondie du fragment ­­— autre analogie avec Blanchot— dans les œuvres de Minho Lee. Elle travaille selon un procédé métonymique où le morceau évoque le tout : le « fil blanc » de l’écheveau pour l’histoire industrielle, la piscine pour l’enfermement de Thésée dans le labyrinthe du Minotaure, etc.

C’est grâce au fil de l’écheveau que le spectateur peut espérer retrouver sa mémoire perdue. Par la photographie, l’artiste tente de réveiller les consciences endormies, et plonge paradoxalement le spectateur dans un chaos onirique.

Christophe MORIN

Fil blanc, exposition photographique de Minho LEE,
Galerie Kasah,
10, rue de l’Arbalète 75005 Paris
du mardi au samedi de 14h00 à 19h00 et sur rendez-vous (07 85 36 44 97 / 07 82 44 50 58)
jusqu’au samedi 15 février 2020
https://galeriekasah.com/Kasah