L’hymne au lombric

L’hymne au lombric

O toi, travailleur des profondeurs, forçat silencieux,
Serpent inoffensif, l’humble parmi les humbles
Tu nous nourris tous mais l’on t’oublie.
Fleurs écloses, carottes consommées, oiseaux perchés te sont liés.
L’invisible, l’inaudible, l’aveugle

Lombric bleu

encre et pastel sur papier noir, Claire Carroué signe Lux, 2018

Tu ingurgites, tu digères et tu transformes.
Tu remues la terre sans voir le ciel.
Subtraterrestre, fil ondulatoire tu es vert de ton état.
La terre comme essence et condition de ton existence
Goût d’humus, chichement dénudé
Tu repousses le sol que la foule intestine piétine.
Multiplicité méthodique tu avances inlassablement
Anneau par anneau, grain par grain, motte par motte,
Chant par champs

Multitude grouillante

encre sur papier noir, Claire Carroué signe Lux, 2018

Socle vivant, mollesse nécessaire à ton avancement
Pas de caverne, des tunnels, des galeries pour respirer en dedans.
Vol saisi au bec pour un grand show final
Sans toi pas de poisson à mon âme son.
O mon lombric chatouillant ma paume terreuse,
Tu te tortilles
Lancé dans la jungle de ma chevelure par jeu de sœur
Je me tortille à mon tour.
A ton contact, petite, je me sens puissante
Aujourd’hui accoudée au puis je suis.
S’en émanent des halos de fraîcheur d’un souffle nouveau
Terreau d’imaginaire de la vie grouillante
Danseur de pluie de l’éclatement de la goûte
Amputé tu continues à gesticuler.
Sans queue ni tête, ouroboros enligné
Je ne perçois ta mort qui s’infiltre par le haut.
Bâtisseur de cathédrale de vie,
Constructeur de printemps,

Égrenage en terre de feu

crayons de bois et encre sur papier noir, Claire Carroué signe Lux, 2018

Ouvrier de la jachère,
A ton passage tu égraines les briques de la culture
Tu es le protozoaire de ma lentille optique.

Merci infiniment pour le labeur de tes chants

Les forçats

encre sur papier noir, Claire Carroué signe Lux, 2018