lundi 2 novembre 2020

Accueil > Les rubriques > Images > Depth on the surface — Lynne Cohen

Depth on the surface — Lynne Cohen

Première partie

, Lynne Cohen †

« Mon œuvre m’apparaît sociale et politique, mais elle est dépourvue de message concret. C’est peut-être la raison pour laquelle je me sens plus proche de Jacques Tati que de Michel Foucault. »

Introduction

Lynne Cohen (CA, 1944 – 2014) décède en 2014 à Montréal, au Canada. Elle laisse une œuvre et une archive particulièrement homogène : pendant plus de quatre décennies, elle photographie exclusivement des intérieurs. Initialement des pièces comme des salons, des salles de réception et des instituts de beauté, puis des lieux de plus en plus chargés politiquement comme des installations militaires et des laboratoires. Chaque cliché est empreint d’une connotation légèrement absurde et surréaliste, qui fait la part belle à l’obsession humaine de contrôle et de compréhension.

Lynne Cohen, Corporate Office, 1986, Courtesy Rodolphe Janssen

Dès le départ, Cohen est davantage attirée par l’univers dadaïste de Marcel Duchamp et le ready-made que par la photographie d’Henri Cartier-Bresson, par exemple. Dans cette exposition, nous plaçons son œuvre dans un contexte d’artistes partageant les mêmes sensibilités tels que Guillaume Bijl ou Thomas Demand. Tous partent d’un même questionnement : que se passe-t-il lorsqu’on place une chose banale dans un nouveau contexte ? Les intérieurs de Cohen peuvent également être considérés comme des objets trouvés.

Ses photos ne sont pas de simples documents. Il s’agit de pures captures de la réalité, réalisées avec un appareil technique et un point de vue apparemment neutre. Mais pour le spectateur attentif, elles recèlent d’indications et de contradictions. Qui a conçu ces pièces et pourquoi ? Qui les utilise et à quelle fin ? Pourquoi Cohen les a-t-elles immortalisées ? À ses yeux, elles sont devenues des objets d’art. Elle nous montre des lieux d’où les gens ont disparu, mais où leurs traces demeurent sous forme de signes cryptiques.

Lynne Cohen, Laboratory, Collection FOMU P, 1999

Chez Cohen, on ne trouve pas de noms de séries, elle n’utilise que peu de titres et ses œuvres sont rarement datées. L’exposition n’est donc pas construite chronologiquement, mais vue du point de vue de l’artiste. Ses œuvres les plus anciennes des années 1970 consistent en de petites impressions de contact en noir et blanc, les plus récentes sont généralement plus grandes et en couleur. Sa voix est présente tout au long de l’exposition sous forme de citations. Elle vous demande de regarder attentivement au-delà de la surface de la photo, en quête d’une échappatoire à son monde claustrophobe.

Depth is on the surface est l’une des premières grandes rétrospectives de Lynne Cohen après son décès en 2014. Elle est le fruit d’une longue recherche sur son œuvre portée par les artistes Bert Danckaert et Karin Hanssen pour l’Académie royale des Beaux-Arts d’Anvers. Leur amitié de longue date tant avec Lynne Cohen qu’Andrew Lugg, veuf et administrateur de l’archive, fournit une mine d’informations et jette les bases conceptuelles de cette exposition, mise sur pied par les curateurs Bert Danckaert et Joachim Naudts. Trois des œuvres exposées ici sont issues de la collection du FOMU et ont été acquises après une précédente exposition de Lynne Cohen en 1998.

Lynne Cohen, Police Range II, 1990, Courtesy FRAC Limousin

Citations

« Aucun de mes lieux ne semble réel. Mais là encore, peu de choses paraissent réelles avec le recul et la contemplation. Quand les gens m’en parlent, je leur demande de regarder autour d’eux. Il y a presque toujours un élément que je peux leur montrer, une lumière, une prise ou une aération décentrée. J’aimerais qu’ils voient les choses comme si c’était la première fois et remarquent leur inadéquation. »

Lynne Cohen, Recording Studio, 1987, Courtesy Rodolphe Janssen

« Dans mes clichés, la frontière entre le sinistre et l’hilarant est parfois ténue. Peut-être parce que je ne trouve pas le sinistre de la vie réelle hilarant. »

« Les gens ont une telle présence qu’en les photographiant, ce qui m’intéresse – l’étrangeté intrinsèque des choses – serait relégué au second plan. »

Lynne Cohen, Untitled (Astroturf), 2007, Courtesy Olga Korper Gallery

« La photographie a capturé des éléments qui attendaient d’être « immortalisés », et ce, sans « interférences » extrinsèques. L’éventualité d’une interférence, voire son existence, ne m’est apparue que plus tard en réalisant que le seul choix du sujet de la photographie ou du cadrage du cliché, constituait une interférence et une intrusion. »

Lynne Cohen, Untitled (Factory), 1994, Collection FOMU P, 1998

« Je m’intéresse à l’aspect des lieux où les gens passent leur temps, à ce qu’ils leur font, mais aussi à l’impact de ces lieux sur ceux qui les traversent. »

« Pour pénétrer mes clichés, il faut les contempler suffisamment longtemps et s’imprégner des différents détails. La seule clé que je donne réside dans le cadre. »

Lynne Cohen, Untitled (Military Installation), 2007, Courtesy In Situ Fabienne Leclerc

« Je ne perçois pas mon œuvre comme une illustration ou une critique du contrôle et du pouvoir. De tels qualificatifs ne me dérangent pas, au contraire, je les apprécie. Je m’oppose simplement à toute analyse réductrice de mes clichés. »

« Au début des années 1990, avant de commencer à travailler en couleur, j’ai décidé d’encadrer mes photos en formica de couleur distincte. (…) J’ai sélectionné des couleurs en lien avec les détails des clichés, en lien avec des objets proéminents, la température ou les odeurs que j’associais aux pièces. Il m’est apparu clair que la couleur servirait à capturer quelque chose de quintessentiel ou de caractéristique du site, quelque chose qui donnerait un peu plus (mais pas trop) d’informations au spectateur. »

Lynne Cohen, Untitled (War Game), 1988, Collection FOMU P 1990

« Ce qui m’a incitée à commencer à travailler en couleur c’est mon intérêt soudain pour la façon erronée dont le film couleur immortalise les couleurs. Après avoir renoncé à capturer correctement la couleur, j’ai pu capitaliser sur la façon dont le film couleur subvertit le poids psychologique que nous accordons aux choses dans le monde. »

Colophon :

Commissaires : Bert Danckaert & Joachim Naudts
Concept et recherche : Bert Danckaert & Karin Hanssen
Commissaire adjoint : Ingrid Leonard

Traduction et rédaction : Naomi Vandenbroeck, Piuma Translations, Mia Verstraete

Conception graphique : Aline De Feyter

Remerciements :
Andrew Lugg
Guillaume Bijl, Bart De Baere, Els De bruyn, Peter Gorschlüter, Aaron Guravich, Rodolphe Janssen, Olga Korper, Fabienne Leclerc, Gaël Leininger, Marine Lemoal, Jon Michelena, Johan Pas, Isabelle Rocton, Thomas Seelig, Roel Van Nunen, Alexander Vandeputte, Sofie Van de Velde

Prêteurs :
Andrew Lugg, Montreal
Museum Folkwang, Essen
Galerie In Situ - Fabienne Leclerc, Parijs
Rodolphe Janssen, Brussel
Olga Korper Gallery, Toronto
FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine, Limoges
Sofie Van de Velde, Antwerpen
M HKA, Antwerpen

Toute l’équipe FOMU, stagiaires et bénévoles

FOMU - Fotomuseum Antwerpen
Waalsekaai 47
2000 Antwerpen
België
www.fomu.be
info@fomu.be
+32 (0)3 242 93 00