jeudi 30 juin 2011

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Approches de la dimension psychique des images

, Jean-Louis Poitevin et Lynne Cohen †

Essai sur l’œuvre de Lynne Cohen à partir de son livre "Camouflage".

1. Noir et blanc

Les images en noir et blanc nous semblent plus abstraites que les photographies en couleur en ceci qu’elles semblent plus éloignées de la réalité de notre perception, et pourtant ce sont les photographies en couleur qui demandent une technologie encore plus avancée et donc un processus d’abstraction plus poussé. Un écart existe entre ce que nous percevons, comme réalité ou comme image, et ce qui rend possible cette perception, les appareils, processus et dispositifs permettant la réalisation d’images.
Le processus de reconnaissance du visible sur une photographie est de la forme d’une croyance. Nous croyons donc voir ici une rue, là un intérieur, là une maison, là une salle de tir. Il est vrai que nous avons de bonnes raisons de le croire, mais il est vrai aussi que les images qui comptent sont celles qui nous conduisent à douter de cette évidence et donc du message qu’elles portent. Les images qui comptent, celles qui mettent en œuvre un processus de signification qui dépasse la simple signification du « contenu » de l’image, sont celles qui introduisent dans leur lecture la possibilité du doute, ou si l’on préfère la possibilité de la visualisation sinon du processus même de leur création du moins du processus de leur constitution comme surface signifiante.

Ce sont donc des photographies qui mettent en jeu leur qualité de reflet pour laisser paraître un peu de cette réalité intime, qui est la leur, de processus d’abstraction du monde réel. Elles se doivent, d’une certaine manière, de nous indiquer que ce qu’elles montrent, des fragments de monde concret, réel, sont bien des fragments d’un monde abstrait.
Étant entendu que nous savons, acceptons et reconnaissons intimement cette évidence oubliée, nous pouvons alors commencer de regarder.
Ce que nous voyons n’est pas un reflet de la réalité mais une réalité construite par un appareil et un regard, par un appareil accompagné d’un regard. En tant que telle, une image est une surface, une abstraction d’une réalité tri-, voire quadridimensionnelle, en une réalité bidimensionnelle. Ces remarques sont peut-être des évidences, mais il est utile, vu ce dont nous parlent les photographies de Lynne Cohen, de le rappeler. Car, comme toutes les œuvres importantes, ces photographies articulent au moins deux niveaux de réalité.

De ce que nous convenons d’appeler réalité, ces images nous conduisent à une autre réalité, que l’on peut appeler réalité psychique. La réalité psychique est un mélange de sensation et de réflexion, comme ce que nous montrent ces images. À ceci près que nous oublions, comme il se doit, que le réel est passé à travers un appareil et que cet appareil l’a encodé et que d’autres appareils nous permettent de le décoder.

2. Cerveau et artialisation

Les photographies de Lynne Cohen qui composent l’ouvrage Camouflage, sont en noir et blanc. Elles nous donnent à voir des intérieurs qui nous sont présentés comme des décors parce qu’ils sont des décors. En tant que décors, leur « consistance ontologique » est celle du « quasi-être ». En tant que décors photographiés et présentés comme des décors, ils deviennent des décors au carré. Leur « quasi-être » est comme enveloppé d’une autre couche de « quasi-être », ce qui a pour conséquence de nous faire les percevoir comme étant plus vrais que nature. Plus vrais que nature, ces intérieurs nous apparaissent cependant tellement arrangés qu’ils ne nous semblent pas être « vrais ».

Dans le même temps, nous acceptons aussi de croire que ces photographies sont des captures de situations réelles, que ces décors sont donc « vrais », c’est-à-dire qu’ils sont comme cela dans la réalité. Nous, nous savons qu’ils l’ont au moins été sous le regard de Lynne Cohen et qu’ils le sont maintenant pour le nôtre. Ce que ces intérieurs nous disent donc, d’entrée de jeu, c’est qu’ils sont artificiels et, dans le même temps, il nous faut accepter de croire qu’ils sont bien réels, bien comme ça dans la réalité, ce qui veut dire que l’artifice, l’artialisation, a envahi le réel au point de le contaminer jusque dans ses lieux les plus intimes.

Lynne Cohen nous révèle une artialisation à la fois explicite et néanmoins le plus souvent cachée à nos yeux et donc, pour employer un mot très connoté, en quelque sorte invisible.

Si l’on se penche désormais sur ces images, on remarque plusieurs choses. Le premier point est important. Il s’agit de l’absence d’êtres humains sur les photographies de Lynne Cohen. Pourtant, ici aussi, tout respire l’homme, sent l’homme pourrait-on dire, tout parle de lui, mais il semble que ce soit d’une manière telle que « l’homme » dans ces lieux-là ne se sente pas observé ou sache qu’il ne l’est pas. Ce sont des lieux qui convoquent l’idée d’une certaine intimité, de l’intimité de la « pensée » plus que de la vie.
Acceptons donc d’imaginer que nous nous trouvons dans sa tête, à « l’homme », dans la partie de son cerveau où germe l’idée qu’il se fait du décor et, donc, au sens strict l’idée qu’il se fait de l’artifice et, donc, fatalement, de l’art. Alors, il devient possible de penser qu’avec les photographies de Lynne Cohen nous nous trouvons comme plongés au cœur même du processus de l’artialisation.

Le deuxième point implique que nous nous demandions ce que nous voyons sur ces images. Nous reconnaissons, quoique ne les ayant jamais vues réellement, que ce sont, bien sûr, des intérieurs, des lieux privés, même s’ils doivent servir le plus souvent à accueillir du public.

Souvent aussi ce sont des lieux non ouverts au public, mais où l’on vient pour travailler. Ces lieux sont des lieux d’expérimentation, des lieux où l’on réalise des opérations artificielles en vue de préparer des activités réelles. Les expériences sont bien réelles mais limitées dans l’espace et le temps, ce sont des expériences qui serviront à des actions qui se dérouleront dans l’espace commun et profiteront donc à tout le monde. Nous sommes donc bien là aussi à double titre dans des espaces privés, au sens où ce sont des espaces où personne n’entre qui n’y soit autorisé, et où ce qui s’y passe peut être gardé secret.

C’est ce redoublement du sens induit par le mot privé qui nous autorise à dire qu’en quelque sorte ce qui est montré dans les images de Lynne Cohen pourrait « ressembler » à ce qui se passe dans notre cerveau.

Les lieux que nous présente Lynne Cohen sont des lieux où ont lieu des expériences qui sont au sens strict artificielles par rapport à la réalité, soit parce que les décors des lieux privés sont de l’artifice pur, de l’artifice au sens de la décoration, de la posture artistique qui y est développée et présentée, soit parce que les expériences qui s’y déroulent sont, en tant qu’expériences, artificielles, même si dans les deux cas tout est réel et bien réel.

Nous sommes donc dans un décor au carré non seulement parce que ce qui nous est montré est le cœur de machines artificielles mais parce que ces décors dans lesquels ont lieu ces expériences sont eux-mêmes l’objet d’interventions artialisantes, qui sont au sens strict des décorations, c’est-à-dire des propositions artistiques.

Nous parlant d’artificialité, d’artialsiation, ces photographies nous parlent d’art. Elles nous parlent surtout de la manière dont l’homme et son cerveau fonctionnent. Elles nous disent aussi comment l’homme s’approprie le réel pour le transformer, et comment il invente le réel. Car ce réel est imprégné de lui, l’homme, et l’on peut dire qu’il sent l’homme à plein nez, bref qu’il est fait de main d’homme ou a été conçu et donc provient de cerveaux et de corps humains. Le cerveau est une sorte d’appareil complexe qui bien sûr perçoit ce qui est hors de lui, hors du corps qui le porte, mais surtout fonctionne en projetant sur ce dehors, sur ce réel, sa propre « vision » des choses. Cette vision est proprement naturelle, si l’on veut, parce qu’elle est le fruit du travail de l’appareil cerveau, mais en fait elle est totalement artificielle puisque le cerveau est un appareil qui transforme tout en artifice, comme le fait de son côté l’appareil photo.

3. Propos sur un quasi-être

Partons donc de l’hypothèse qu’en regardant ces photographies de Lynne Cohen nous avons une chance d’approcher un peu de ce mystère qu’est encore pour nous le cerveau, notre cerveau. C’est un appareil de capture, mais c’est aussi un appareil de transformation physico-chimique dont le travail principal n’est pas de transformer le monde pour y laisser des traces, comme on le dit souvent, mais pour lui donner une signification, c’est-à-dire lui conférer un aspect, une apparence qu’il puisse reconnaître et dans lesquels celui qui est doté de ce cerveau, l’homme donc, peut réussir à vivre. Cet appareil « veut » et d’une certaine manière « doit » tout s’approprier pour le rapporter à sa mesure, pour qu’il puisse trouver dans ce qui l’entoure, dans ce monde du dehors, quelque chose qui lui réponde, ou du moins qui lui parle, à lui qui est aussi le monde du dedans ou du moins détermine celui-ci.

Ce que nous apprenons ici, si ce parallèle a quelque chose de juste, c’est que le cerveau est tout entier du côté de l’artifice, qu’il est un appareil qui s’y connaît en cette matière-là, l’artifice, puisqu’il trafique ce qu’il perçoit pour le transformer en artifice. Le cerveau est un appareil à produire du signe et de la culture, c’est-à-dire de l’artifice.

La preuve ? Elle est justement dans les photographies que nous regardons, qui sont à la fois le produit de l’appareil et celui des métaphores du fonctionnement du cerveau. Mais elles sont cela parce que l’appareil a été inventé par l’homme et parce que le cerveau transforme ce que les yeux lui rapportent du dehors en image.

Nous semblons avoir oublié la seconde opération à laquelle se livre l’homme avec son cerveau ou le cerveau avec l’homme. Une fois qu’il a perçu et transformé ce qu’il a perçu en image, qu’il en a tapissé son intérieur, si l’on peut s’autoriser cette métaphore, une fois qu’il s’est donc inventé un décor intérieur, qu’il se l’est fabriqué avec ce qu’il trouvait là au dehors, il a cherché, c’est aussi comme ça qu’il est, le cerveau, à projeter « l’image » au dehors, à en tapisser le dehors comme il croit ou pense qu’il en est tapissé « en » lui-même.

Le premier point à remarquer c’est que le cerveau ne peut en quelque sorte que créer du décor, car il n’existe « en » lui par d’autre chose que des objets mentaux. Le second point, c’est que tout ce que projette au-dehors, le cerveau est marqué au front du signe du décor ou si l’on veut de l’artifice, de l’artialisation, bref de l’art. Et, en effet, fauteuils et tapisseries d’intérieur sont au sens strict des produits artificiels et artistiques.

Le troisième point important, c’est de tirer les conséquences de tout cela, c’est-à-dire de reconnaître que ce que l’on nomme réalité est en fait un monde artificiel, c’est-à-dire une sorte de quasi-être, vidé de toute substance ou de toute dimension autre que celle de l’artifice.

L’artifice nous révèle, nous le savons mais n’osons nous l’avouer, que ce n’est pas l’être qui règne sur le monde, en tout cas pas sur le monde de l’homme. Est-ce qu’il en a toujours été ainsi ou bien une sorte de mutation du regard s’est-elle produite récemment ?

« Vous vouliez me dire quelque chose, quand est-ce que le regard a basculé à votre avis, il y a dix ans, quinze ans peut-être cinquante avant la télé, mystère, plus précisément avant la préséance de la télé sur quoi, sur l’actualité, souvent même sur la vie, oui, j’ai aujourd’hui le sentiment que notre regard est devenu un programme sous contrôle subventionné, l’image, monsieur, seule capable de nier le néant, est aussi le regard du néant sur nous, j’espère que non, mademoiselle. », écrivait Jean-Luc Godard dans le texte du film Éloge de l’amour, paru 2001.

4. Décor et subjectivation

Acceptons, comme ces images nous y invitent, que ce que nous attribuons au réel, à savoir l’être, est en fait le fruit d’une erreur, d’une illusion, pire encore, de quelque chose que nous affectons de croire pour ne pas voir que nous nous mentons depuis peut-être longtemps, très longtemps, peut-être même depuis toujours. Si c’est le cas, alors il nous est donné sinon de corriger le tir, du moins de vérifier la validité de cette assertion. C’est en tout ce cas ce que peuvent nous permettre de faire ces photographies de Lynne Cohen.

Pour ne pas nous enliser dans une nouvelle querelle onto-théologique, le mieux est de déplacer un peu la question et repartir du constat suivant : si ce que nous voyons sur ces photographies est à la fois le fruit d’une projection du cerveau et, donc, sous certains aspects du moins, une présentation de ce que « sont » les images mentales, fût-ce métaphoriquement, alors ce que nous voyons est et n’est en fait rien d’autre qu’un portrait de l’homme, en tout cas de l’homme moderne, de l’homme tel qu’il se manifeste à lui-même après quelques millénaires d’évolution culturelle.

Ces images ne nous montrent pas de portrait en pied d’hommes en tenue d’apparat. Pourtant, il s’agit bien d’un « portrait » de l’homme dans ces images, car ce qu’elles révèlent, ce sont bien des aspects de ces processus de subjectivation tels qu’ils fonctionnent chez les hominidés supérieurs. Ce que l’on voit sur ces images, c’est un peu la manière dont les hommes, en se projetant sur le monde, se montrent et donc se voient ou se figurent.
L’artifice, ici, semble remonter vers l’être, et nous parler d’une vérité qui, si elle ne concerne pas l’être en général, concerne du moins l’être de l’homme. Mais laissons cela. Ce qui importe, c’est de tenter de comprendre pourquoi, alors que toutes les autres photos sont de petites tailles, Lynne Cohen nous présente, dans cet ensemble, deux photos plus grandes et mystérieuses, celle d’une sorte de trou noir peuplé d’éclats de lumière et celle d’un écran blanc qui fait comme un mur sur lequel pourraient se réfléchir, s’exhiber même, l’infinité de nos visions intérieures et qui en tout cas semble attendre qu’on les y projette.

Un passage de Mille plateaux, de Deleuze et Guattari, le tout début du chapitre 7 « Année zéro – Visagéité », peut nous permettre de mieux appréhender ces images.

« Nous avions rencontré deux axes, de signifiance et de subjectivation. C’étaient deux sémiotiques très différentes, ou même deux strates. Mais la signifiance ne va pas sans un mur blanc sur lequel elle inscrit ses signes et ses redondances. La subjectivation ne va pas sans un trou noir où elle loge sa conscience, sa passion, ses redondances. Comme il n’y a que des sémiotiques mixtes, ou que les strates vont au moins par deux, on ne doit pas s’étonner du montage d’un dispositif très spécial à leur croisement. C’est pourtant curieux un visage : système mur blanc-trou noir » ( op. cit. p. 205).

Ainsi, il semble en effet possible de lire et de comprendre ces deux photographies à la présence si particulière comme étant d’une certaine manière la présentation des deux éléments du dispositif par lequel nous articulons signifiance et subjectivation. Si c’est bien le cas, alors nous pouvons dire que les photographies présentées ici sont en quelque sorte des portraits de l’homme. Il s’agit non pas de portrait d’individus mais de représentations de ces dispositifs par lesquels l’homme se figure le monde en le faisant signifier.

Une seconde citation plus longue permettra d’approcher plus encore de ce qui fait la force de ces images.

« Toutefois ce ne sont pas les sémiotiques qui se font ainsi la guerre avec leurs seules armes. Ce sont des agencements de pouvoir très particuliers qui imposent la signifiance et la subjectivation comme leur forme d’expression déterminée, en présupposition réciproque avec de nouveaux contenus : pas de signifiance sans un agencement autoritaire, pas de mixité des deux sans des agencements de pouvoir qui agissent précisément par signifiants, et s’exercent sur des âmes ou des sujets. Or ce sont ces agencements de pouvoir, ces formations despotiques ou autoritaires, qui donnent à la nouvelle sémiotique les moyens de son impérialisme, c’est-à-dire à la fois les moyens d’écraser les autres et de se protéger contre toute menace venue du dehors. Il s’agit d’une abolition concertée du corps et des coordonnées corporelles par lesquelles passaient les sémiotiques polyvoques ou multidimensionnelles. On disciplinera les corps, on défera la corporéité, on fera la chasse aux devenirs animaux, on poussera la déterritorialisation jusqu’à un nouveau seuil, puisqu’on sautera des strates organiques aux strates de signifiance et de subjectivation. On produira une seule substance d’expression. On construira le système mur blanc-trou noir, ou plutôt on déclenchera cette machine abstraite qui doit justement permettre de garantir la toute-puissance du signifiant, comme l’autonomie du sujet. Vous serez épinglé sur le mur blanc, enfoncés dans le trou noir » (op. cit. pp. 221-222).

Cela semble loin de ces images ? Regardons-les encore une fois. Commençons par le commencement, c’est-à-dire par la fin de l’ouvrage, par ces deux photographies-là, les grandes. Le trou noir est déjà peuplé de points blancs. Dans le lointain de la nuit du cerveau scintillent des points qui semblent remonter de nulle part. Ils sont les avant-courriers de la subjectivation, ils évoquent si l’on veut les premiers objets mentaux, les premières images mentales, l’image d’avant l’image en quelque sorte, le grain lumineux avant l’apparition de la forme.

Sur la surface blanche, sur l’écran, sur ce mur blanc, on le sait, tout peut venir se présenter, y être projeté. C’est le lieu propre aux messages, aux agencements signifiants. Mais que voit-on sur cette photo programme ? Un rideau de camouflage replié qui cependant semble là pour soudain interdire à la projection d’avoir lieu, aux signifiants de venir jouer leur rôle sur le mur blanc. Le mur blanc ne va pas sans le rideau de scène qui peut le dissimuler au regard à tout instant et surtout permettre que l’on change de régime de signification.

Alors repensons maintenant à ce qu’évoquait le texte de Deleuze et Guattari. Il parlait d’agencements de pouvoir qui agissent par signifiants et s’exercent sur les sujets.

Ce que nous montrent les photographies de Lynne Cohen sous leur aspect ludique et ironique, ce sont des lieux de pouvoir, des lieux où précisément on travaille à programmer la soumission des corps et l’effacement de la subjectivation au profit de la soumission aux signifiants.

Si le décor est bien la « dimension interne » de ces photographies, alors on peut dire que le décor est bien l’essence de la réalité à laquelle l’image donne consistance, en ceci qu’il est un mixte de projection et de saisie, un mélange inextricable de ce qui se trouve au-dehors dans la soi-disant réalité et au-dedans dans les arcanes du cerveau. Mais il y a plus. Le décor est bien la seule réalité possible dans le monde des images en ceci que lui seul relève à la fois du dehors et du dedans, du réel et du fictif, bref, qu’il est le modèle même du fonctionnement psychique puisqu’il articule, met en relation et révèle la manière dont existe la relation entre l’univers sans fond de la subjectivité et l’univers de pure surface de l’objectivité.

Ces photographies nous disent aussi que ces processus nous entraînent dans des fonctionnements dont les individus sont aussi les otages. Les processus de subjectivation enveloppent les individus, les processus de signifiance les dépassent et les contraignent. Si ces photographies ont une ultime fonction pour nous, c’est qu’à travers leur évidente simplicité, dont on a vu quelle complexité elle recelait, elles nous indiquent au moins les limites qui se dressent devant nous, sur le chemin de notre liberté. Car c’est bien entre camouflage et sens que se joue notre liberté entre l’abîme sans fond du trou noir et la surface aveuglante et mortelle du mur blanc, dans ce monde des gris et des couleurs dans lequel éternellement nous sentons que nous vivons.

Voir en ligne : Lynne Cohen

Camouflage
Lynne Cohen
Texte : Lynne Cohen
Cover de Lynne Cohen a été publié en 2005 par
Le point du Jour Centre d’art Éditeur
107 avenue de Paris - F-50100 Cherbourg-Octeville
info@lepointdujour.eu - www.lepointdujour.eu

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