Éditorial
Sainteté
Au moment où, dans un procès, on regarde des images vidéos, déjà vues des millions de fois, et qu’il semble qu’on ne peut décider quelle version des faits est censée être la bonne, la vraie, la juste, l’exacte, on prend implicitement la mesure de la puissance de notre « croyance » en une forme bizarre de vérité lorsqu’il est question d’images.
En bon « chrétiens », pour nous l’image est toujours le résultat d’une opération plus ou moins magique ou divine de capture de l’être du représenté et de son transfert sur le support technique. Mais si toute image aujourd’hui est encore et toujours une relique, n’est-ce pas que chacun d’entre nous, aujourd’hui, est devenu un « saint ».
Antonio Porchia avait déjà remarqué que : « Une âme sainte ne naît pas d’un paradis ; elle naît d’un enfer. »
(voix réunies, 673)
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Ce numéro débute avec le grand projet de TK-21 LaRevue en cette rentrée : OVNI.
Un tiré à part de la revue, sur papier, en grand format, une serie d’expositions au mois de novembre et une participation en crowdfunding.
TK-21 LaRevue sera aussi présente au 26e Salon de la REVUE les 15 et 16 octobre.
Pour ce numéro de rentrée, TK-21 LaRevue, dont certains des membres actifs se trouvaient en Corée durant l’été, propose un numéro fortement axé sur les découvertes faites lors de ce séjour.
Jean-Louis Poitevin consacre sa XIIe Logiconochronie à une exposition portant sur la question du nucléaire dans un centre d’art alternatif, GONG, et tente de voir en quoi l’invisibilité de l’atome est la source de la prolongation d’effets de croyance en un deus absconditus.
Présente dans cette exposition, l’œuvre de Ho Jaewoo, une vidéo sans texte ni commentaire consacrée aux effets de visibilité et d’invisibilité mélangés qui permettent de tout savoir en n’apprenant rien sur la centrale nucléaire de Göri qui jouxte Busan, la seconde ville du pays, fait l’objet d’une présentation spécifique. Ici, chacun peut prendre la mesure des manipulations multiples et incessantes dont les images sont le support, le vecteur et l’enjeu de la puissance d’impact qu’elles ont encore et toujours sur notre capacité à ne pas voir ce qui pourtant nous est si bien montré.
Jaewook Lee, qui écrit pour TK-21 LaRevue depuis plusieurs mois, a présenté au Space O’NewWall à Séoul, cet été, une exposition remarquable autour de la question de la synesthésie, mettant en relation la fonction de l’artiste avec notre dépendance à des figures qui nous lient à Platon de manière insidieuse mais profonde. Cette exposition est analysée par Jean-Louis Poitevin.
Jaewook Lee poursuit donc ici ses publications avec un texte sur la biennale de Liverpool et une interrogation sur les modes d’existence des expositions. Il s’agissait d’une expérience artistique à vivre dans tous les coins de la ville. Certaines œuvres, elles, tentaient à leur manière d’interroger aussi bien le statut des objets dits d’art que notre besoin hallucinatoire de sensations non médiatisées par des appareils.
Si TK-21 LaRevue était présente en Corée, c’est que certains de ses membres y exposaient dans le cadre des années croisées France-Corée. Les magiciens du ciel, tel était le titre de cet ensemble d’expositions à travers la Corée. Daphné Nan Le Sergent, Xavier Lucchesi, Martial Verdier, Baek Jungki, Chong Jae-kyoo et Unzi Kim, ont exposé à Séoul, à Kwangju et à Changwon sous la houlette des commissaires Sim Eunlog et Jean-Louis Poitevin. C’est le catalogue de cette expérience commencée à Paris en mai dernier qui est ici porté à notre connaissance.
TK-21 LaRevue poursuit la présentation d’entretiens que lui accordent avec générosité et entrain des personnalités importantes dont les fonctions les conduisent à interroger les images aujourd’hui.
Dominique de Font-Réaulx est présente avec la seconde partie de l’entretien qu’elle nous a accordé dans le Musée Delacroix qu’elle dirige. Elle aborde cette fois aussi bien certains aspects de l’histoire de la photographie, la place du portrait à ses débuts en particulier, que des questions actuelles, comme celles relatives à l’image que nous espérons donner de nous-même aujourd’hui à travers les selfies.
Frédéric Guichard, Directeur technique de DXO revient dans cette seconde partie d’entretien sur ce que l’on pourrait appeler la fabrique des images et en particulier à partir de la question relative à ce qu’est une « bonne » image, sur les programmes informatiques et les calculs innombrables effectués dans l’appareil même afin que l’image réponde à nos attentes réelles ou supposées.
Nouveau venu, Pascal Toussaint, photographe et vidéaste, nous est présenté par la prose inspirée de Valérie Labrousse qui voit en lui un artiste puissant en ce que comme elle le note, « l’artiste est à la fois médium et visionnaire. Il voit, est traversé et transmet sa vision. Toute production artistique échappe à son auteur. C’est dans cet équilibre, cette tension, ce tour de force prodigieux entre maîtrise de la matière et perte de contrôle que l’œuvre apparaît. »
TK-21 LaRevue présente le travail du photographe Bert Dankaert qui expose en ce moment à Bruxelles à la galerie POLO à travers un texte en anglais d’Alison Nordström qui évoque avec justesse son travail. « The works are large and, at first glance, many of them seem to be composed of simple organic or geometric shapes of flat colour classically arranged within the ubiquitous and intuitive photographic rectangle. » Mais, c’est aussi une image de notre monde et donc de nous qui nous est donnée à voir ici.
Fidèle à TK-21 LaRevue, Laetitia Bischoff nous emporte dans un voyage vers le haut, dans l’atelier des fées de Platon. « Ces fées effectuent des allers-retours, de la caverne à l’éther, elles ont l’élixir pour transformer la substance des choses, des êtres. S’extraire de notre contraignante condition sensible et terrestre n’est pas chose aisée. Se distancer d’un sol lourd, c’est penser aux nuages tout en détricotant la pesanteur. » Rien ne nous empêche de les suivre.
Nouveau également dans TK-21 LaRevue, Alain Coelho nous propose le premier chapitre d’un work in progress, intitulé Voyage à Leipzig. Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, il croise, entend et nous fait entendre, et cela tant dans les rues qu’en lui-même, les figures et les voix sans lesquelles nous ne serions pas ce que nous sommes et que les noms de ces villes font se lever à peine les a-t-on prononcés : Iena, Dresde, Weimar, Leipzig et tant d’autres. À travers eux, entre jeunesse et âge mûr, se dessine le paysage d’un esprit en quête des figures qui le hantent.
Photo de couverture : Bert Dankaert
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