« Est-il possible, pense-t-il, qu’on n’ait encore rien vu, reconnu et dit de vivant ? Est-il possible qu’on ait eu des millénaires pour observer, réfléchir et écrire, et qu’on ait laissé passer ces millénaires comme une récréation pendant laquelle on mange sa tartine et une pomme ?
Oui c’est possible. »
Les cahiers de Malte Laurids Brigge
Rainer Maria Rilke
TK-21 LaRevue poursuit son travail de défrichage et d’analyse de tendances fortes ou floues qui parcourent les allées des pratiques artistiques actuelles.
VENISE, ÉVIDEMMENT !
Comment ne pas parler de Venise et de sa biennale ? Dominique Moulon nous a rapporté de son voyage là-bas un commentaire cherchant en particulier à cerner les mutations de la réalité à l’ère digitale à travers les œuvres de quelques artistes.
FEMMES CRÉATRICES
Depuis ses débuts TK-21 LaRevue a su offrir aux femmes la place qui leur revient. Dans ce N° 131, elles sont particulièrement présentes, à travers des œuvres et des textes offrant un panorama étendu sur des positions fortes et vitales aujourd’hui.
Photographes
Connue pour la nostalgie et la poésie qui font la force de ses portraits et de ses paysages, réalisés dans sa Lettonie natale, Iveta Gabaliņa se distingue aussi par une approche plus conceptuelle qui explore l’intérêt de la photographe pour la perception du temps et la matière de l’image. Martial Verdier s’est entretenu avec elle lors de son passage à Paris pendant sa résidence au festival BZH photo à Loguivy-de-la-Mer. Camille Gajate fondatrice du festival était aussi de la partie.
« Lorsque j’ai approché 35 ans, je me suis aperçue que mon corps commençait à changer. J’ai réalisé que jusqu’alors, je ne l’avais regardé que pour vérifier s’il correspondait à ce standard. Jamais je ne l’avais regardé autrement qu’à travers ce prisme social, jamais je n’avais porté sur lui mon propre regard ». Leslie Courbon nous révèle en images les fruits de cette méditation poétique et intime.
Auteure photographe issue du journalisme et de la publicité, Françoise Lerusse s’intéresse principalement aux environnements créés par l’homme. Ce nouveau travail a pour objet le design, une thématique qui rejoint ses préoccupations pour la structure et la géométrie. Elle interroge aussi par ce biais notre perception du réel.
Nahia Garat photographie la vulnérabilité. Pour elle, tout est prétexte à la confidence, à l’essentiel. Et l’essentiel est partout, dans une racine d’arbre, un portrait d’homme ou de femme, une aire de pique-nique sur une autoroute. En collaboration avec Corridor Elephant.
Peintre
Installée depuis 2004 à Berlin, Laurence Egloff mène son travail en dehors de toutes modes et courants artistiques. Peintures, dessins, gouaches, « elle cherche à libérer la peinture de la narration. Elle ne veut pas être affiliée à l’expressionnisme abstrait. Elle laisse les images la traverser et réapparaître sur la toile », comme le remarque Guillaume Bruère dans le texte qu’il lui consacre. Elle expose du 25 mai au 7 juin 2022, à l’Espace TALMART.
Sculptrices
Jean-Christophe Nourisson présente et analyse l’exposition, Quelque chose bouge, de Catherine Melin au FRAC PACA. Il y sera question « d’un tremblement sensationnel qui lierait les êtres et les choses et d’un reste inaliénable, en cœur de ville et d’espace abîmé, un retour au lieu qui ne se manifesterait qu’en présence. »
Je viens de te voir en rêve est le titre de l’œuvre de Marion Roche qui a été primée par le prix MAIF pour la sculpture. Dans sa présentation Dominique Moulon nous indique qu’il s’agit d’une sculpture dont la forme résolument organique convoque la nature car elle est structurée tel un arbre ou une fleur.
« Pour la créatrice la fiction narrative devient la machine génératrice, le mécanisme créateur de l’art. Mai-Thu Perret invente progressivement toute une stratégie afin de permettre l’oblitération de la subjectivité dans sa création. » Jean-Paul Gavard-Perret présente le travail de cette artiste genevoise qui a commencé sa carrière d’artiste à la fin des années 1990 après des études de lettres à Cambridge.
Critiques d’art et commissaires
Ce sont deux femmes qui accompagnent de leurs analyses précises le travail du photographe Zouhir Ibn El Farouk qui, après le Centre culturel de Bois-Colombes, montre son projet intitulé Informe à la galerie Shart de Casablanca. « Informe, est une traversée au confluent de la photographie et de l’expérimentation trouvant son point d’orgue dans l’abstraction. A la croisée de la matière et des espaces, elle s’inscrit dans un entre-deux. » Ces œuvres sont mises en perspective par deux textes, l’un de Syham Weigant, l’autre de Fouzia Marouf.
EXPLORATIONS
Musicales
Pour la quatrième session sur le Jazz Latino, Pedro Alzuru débute par l’évocation d’un événement fondateur du latin jazz, la rencontre de Dizzy Gillespie et Chano Pozo et poursuit par l’évocation de noms, inconnus pour nous et qui font la force de cette musique lointaine et si proche.
Théoriques
Nous présentons la troisième séance du colloque consacré à l’ouvrage collectif initié et porté par Bernard Stiegler et intitulé Bifurquer. Il y est question de l’économie distributive. Il est présenté par Anne Alombert et Michal Krzykawski.
Nous présentons l’enregistrement de la séance VI de Faire des dieux, séminaire de Jean-Louis Poitevin. La séance, enregistrée par Hervé Bernard est consacrée à Heinrich von Kleist, un personnage hors norme dans l’œuvre duquel il apparaît possible de repérer ce que l’on pourrait appeler des survivances psychiques bicamérales.
Le livre de Yves Lepesqueur, Pourquoi les Libanaises sont séduisantes suivi de On a bien progressé, paru aux Éditions de L’Harmattan propose une autre histoire des relations Occident-Proche-Orient. Pour Guillaume Basquin « tout l’intérêt de cet essai coupé en deux est de permettre à l’auteur une incessante dialectique, un constant hommage à la dualité, à la contradiction dialectique, et une opposition contre toute pensée totalisante (totalitaire ?) de l’Un qui serait indivisible. »
Photographiques et vidéographiques
En une méditation inspirée sur ses propres recherches photographiques, Alain Brendel parvient à renverser l’évidence qui gît au cœur des images. Il montre que ce n’est pas voir qui importe mais entendre ce que l’image dit et qui n’est autre que l’heureuse dissipation de tout ce que la lumière fait voir dans la lumière qui efface.
Patrick Dekeyser nous livre avec Le babillement d’un bébé, une méditation à fleur de son sur la naissance de la parole, que prolonge un texte de Jean-Louis Poitevin.
Avec Lost in the supermarket #27, Aldo Caredda en visite au Musée Marmottan dépose une nouvelle empreinte. La génuflexion devient sculpture vivante, et le corps, masse sombre, la manifestation d’une interrogation inexpugnable. Un texte de Jean-Louis Poitevin accompagne cette performance.
Plastiques et littéraires
Dessous leurs paupières closes, tel est le titre proposé par Hannibal Volkoff commissaire de cette exposition présentée à la Galerie Hors-Champs et auteur du texte qui accompagne les œuvres de Hervé Bernard, Marie-Pierre Brunel, Cécile Duchêne Malissin, Camille Mercandelli Park. Le commissaire remarque en effet s’être « rendu compte que la métamorphose est le fil conducteur le plus régulier de nos différentes expositions, depuis nos débuts. Nous avons alors pensé qu’il fallait insérer la mutation de nos personnages dans une histoire. »
« À la lisière d’une forêt étrange car toute d’ombres et de bruissements, je marchais en serrant mes deux bras contre ma poitrine comme qui a froid ou se protège. » Ainsi commence Par d’invisibles braises, le récit que nous propose Joël Roussiez.
Photo de couverture : Françoise Lerusse, L’esprit des formes
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