LaRevue - Arts, cultures et sociétés


LaRevue n°107


Éditorial

MANE THECEL PHARES
(Bible, Livre de Daniel, §5)

TK-21 LaRevue paraît confinement ou pas, déconfinement ou pas, connerie généralisée ou pas, intelligence en berne ou pas, espérances au « pas beau fixe » ou pas, tendance forte à la révolte ou pas ...

Ce chapelet infini de « ou pas » agit comme une mesure de rapprochement social des contraires. Il instaure des passages secrets entre les immensités à l’intérieur de chaque crâne comme entre l’infinité des crânes. Il dessine la carte des errances des chiens perdus sans collier sur la petite planète terre. Il réveille les réserves d’énergie retenues par le silence des voix.

Laissez monter ces voix à travers vos « joinctes, oz, nerfz » (Villon) et faites-les devenir aussi la main qui écrit le MANE THECEL PHARES sur les murs de ce monde !

Avant que ce monde, déjà condamné par lui-même, ne soit retiré du paysage des écrans par des mains décidées, TK-21 LaRevue continue de déposer à la surface des esprits bienveillants qui la lisent quelques semences aux pouvoirs tendanciellement actifs, capables d’alléger le poids de la dette infinie sous laquelle on nous fait croire devoir encore continuer de mourir.

 Artistes et œuvres 

Héros sans conteste du déconfinement, Guillaume Dimanche a su transformer ce temps de misère en une féérie joyeuse pour un autre temps. Il nous livre à travers un florilège de masques concrètement oniriques la vision d’une apocalypse reconduite à son étymologie révélante et drôle. Dans le miroir qu’il nous tend, chacun de nous découvre un peu de sa mièvre consistance et parvient à en rire.

Poursuivant son exploration des œuvres liées aux pratiques numériques, Dominique Moulon nous fait découvrir le travail de Pascal Dombis. « Bien que le digital soit son médium de prédilection et sachant son extrême reproductibilité, les œuvres de Pascal Dombis sont uniques, parce qu’elles sont issues de processus génératifs pouvant en “inventer” à l’infini. » Ces processus nous aident ainsi à franchir le gouffre que relie ce pont invisible mais bien réel qui rapproche Leibniz de Google, Hegel d’Orwell et l’infinité de nos attentes que fascinent des paysages inconnus.

Dans le cadre de notre partenariat avec la revue Corridor Elephant, nous accueillons le travail photographique de Marylise Vigneau. « Cette série photographique est constituée de portraits de personnes vivant à Lahore (Pakistan) et dont la façon de penser, de vivre et d’aimer se heurte frontalement au roman national. Des gens dont la vie est un combat parce qu’ils doivent dissimuler ce qu’ils sont sous peine de mort sociale ou même, parfois, de mort physique. Qui oscillent constamment entre espoir et désespérance. » Nous pourrons y découvrir une grande leçon de résistance active et y puiser des forces pour affronter, chez nous, le monde qui vient.

« Il déborde d’idées. Des idées qui le dépassent et qui s’envolent dans les espaces d’irréels. Marc Dubord ne sait pas plus que nous, pourquoi les choses sont ce qu’elles sont ; alors il cherche des fragments de réponses dans les malles de ses souvenirs, dans les greniers de l’Histoire. Petite ou grande histoire, commérages ou confidences, comme une psychanalyse de sa propre fantaisie. » Voilà comment Charlélie Couture commence sa présentation des images singulières de Marc Dubord griffées après coup par la main même qui les créa.

Dans un texte bref, Dominique Moulon nous ouvre la porte sur le travail de Claire Malrieux dont l’approche du dessin combine plusieurs disciplines et approches artistiques et nous conduit ainsi dans une exploration des rêves qui nous ouvre la porte sur des rêves inconnus encore de notre propre cerveau.

Nous poursuivons la publication de Lost in the supermarket une série de vidéos réalisées par Aldo Carreda. Il se filme pendant quelques dizaines de secondes de dos au moment crucial où, dans un des nombreux musées parisiens, il dépose une de ses empreintes. Aujourd’hui, pour le #4, nous entrons avec lui au Musée Bourdelle.

Gaëtan Viaris de Lesegno et J.C. Moineau présentent le dernier volet de leur lecture analytique et détaillée de Vertigo de Hitchcock images. Ce texte dessine avec précision le fait que « C’est, comme toujours au cinéma, à contre-courant de la démarche moderniste, non pas la guerre engagée contre l’illusion mais l’excès même d’illusion qui vient mettre fin à l’illusion. » Et avec le clap de fin il y a toujours la mort qui règne.

Hervé Bernard et Martial Verdier nous proposent le second volet de l’entretien qu’ils ont réalisé avec Joséphine Derobe qui y aborde tout d’abord les liens entre sa création et la réalité virtuelle puis, dans un second temps, les enjeux sociétaux de la réalité virtuelle.

Dans la seconde partie de son texte Wanda Mihuleac ou la démocratie des sens, Jean-Louis Bosseur évoque le parcours de l’artiste, des années 90 à aujourd’hui. Il s’attarde avec raison sur la rencontre entre l’artiste et le philosophe Jacques Derrida auquel elle a consacré sa thèse. Lors d’une conférence qu’il fait à l’occasion d’une projection à New-York du film Or de Wanda Mihuleac, celui-ci déclarera : « Tout cela fait une œuvre impressionnante, à la fois par sa diversité, par la diversité de ses supports, de ses éléments, par sa durée, mais aussi par la multiplicité des médiums en quelque sorte ; tout à l’heure je disais, il y a le corps, la greffe, il y a différents arts, la musique. »

Essais

Artiste et auteur, Jean-Pierre Brazs nous propose une réflexion rare sur les couleurs, qui pour être précise n’en approche pas moins les rivages de la poésie pure lorsqu’il évoque non plus la manière dont elles se forment dans et sur la terre mais les réserves d’histoires à raconter dont elles sont porteuses : « Le bleu égyptien, invention de potiers céramistes 2.500 ans av. J.-C. — La pourpre de Thyr, color officialis — La peinture antique à la cire punique — Les précieuses enluminures médiévales — La fortune du drap noir des Flandres — Le bleu pastel et le rouge garance — Les teinturiers du Roy — Les ocres d’ici et les bleus d’ailleurs — Et tant d’autres... ».

TK-21 LaRevue poursuit la publication intégrale du texte de Pedro Alzuru, La Spiritualité païenne (VII). Philosophe vénézuélien vivant désormais en France, il travaille sur l’un des derniers cours au Collège de France, donné par Michel Foucault en 1982-1983 et publié sous le titre Le gouvernement de soi et des autres. Il aborde aujourd’hui une question essentielle et d’une actualité brûlante à l’époque de la manipulation généralisée des opinions à travers le monde et des informations falsifiées avant de paraître, celle de la parrésia qui, pour incontournable qu’elle soit dans la constitution pour nous des concepts de sujet et de vérité, « devient une pratique ambiguë avec la crise de la démocratie à Athènes. »

Jean-Louis Poitevin poursuit avec cette Logiconochronie – XLVII, la publication de ses réflexions, déjà anciennes, sur l’histoire des images, avec la première partie du chapitre intitulé « Le Moyen Âge de l’icône au cosmos ». C’est à analyser les relations entre images et conscience que ce moment s’attache avant de plonger dans la question du statut de l’image face à celui de la relique, un combat qui continue de nous hanter comme en témoignent tant de films ou de séries ou d’œuvres d’art.

Littératures

TK-21 LaRevue poursuit son travail de défrichage et de publication d’inédits de poètes et d’écrivains connus ou peu connus, mais ils sont désormais connus de vous, lecteurs assidus de ces page enivrantes.

Laetitia Bischoff poétesse rare nous offre aujourd’hui non pas une des chroniques sur l’art dont elle a le secret mais une nouvelle intitulée René et qui commence ainsi : « René, petit être rond, se portait en un corps voûté pour enfouir son cou sous un pli. Son visage était aussi affirmé qu’une pleine lune. Sous ses yeux se dessinait le cerne d’un enfant. » Et quelques pages plus tard une vie se sera écoulée devant nous.

Avec le chapitre 8 de la seconde partie de ses Images d’aurore, Alain Coelho poursuit la mise en scène de son enfance à Tunis et Carthage, dans les années cinquante, mêlant de manière aussi serrée que libre sensations, émotions devenues en partie déchiffrables, objets de la vie quotidienne et ambiance d’un monde aujourd’hui disparu. Et au cœur de la ville comme de ce chapitre nous pourrons nous approcher, entre autres choses, du petit sanctuaire de Leila Manoubia et respirer les effluves des fêtes de Pâques ou de Noël tels que l’enfant les a vécus.

Avec Nous avons tous une fenêtre sur la mer (Ruy Belo), Werner Lambersy nous offre un texte comme il en a le secret, une méditation intense en paragraphes la transformant en une prose poétique explosive. Un « Je » énigmatique parcourt l’univers qui est aussi celui de sa pensée et nous conduit d’un presque rien assumé à un effacement peut-être désiré. « Je marchais sur les sciures du soleil et les cendres encore chaudes du crépuscule avec les yeux de l’huissier à qui on a demandé l’inventaire des meubles posés sur le pavé devant la maison vide. Je revenais de loin ! » Ici, c’est nous qui y allons, loin !

Avec le troisième volet de Voici la pierre où dormiront nos restes, Joël Roussiez poursuit ses réflexions au sujet de quelques chapiteaux du Musée des Augustins à Toulouse. Et toujours se danse une danse plongeant profondément dans l’hésitation qui fonde le christianisme entre la glorification du visible et le désir de rencontrer enfin, mais à même la peau des siècles, les effluves de l’invisible.

 


Photo de couverture : Guillaume Dimanche - Frenchmask.SGDG

Nous vous conseillons de lire TK-21 sur Firefox ou Opéra
Ours

Pour soutenir la revue, adhérez à TK-21 par courrier ici
Ou par Hello Asso
Adhérez à TK-21 par HelloAsso