Pour ce qui concerne le zoo platonique et son réaménagement, il s’agit surtout, et à tout prix, de découvrir s’il existe entre la population et ceux qui la dirigent une simple différence de degré ou une différence spécifique. Dans le premier cas, la distance entre les gardiens d’hommes et leurs protégés ne serait en effet que fortuite et pragmatique – on pourrait dans ce cas attribuer au troupeau la faculté de réélire ses pasteurs par roulement. Mais s’il existe une différence spécifique entre les directeurs du zoo et ses habitants, alors ils seraient tellement différents les uns des autres qu’une direction élue ne serait pas recommandée : il faudrait uniquement une direction fondée sur la compréhension. Dès lors, seuls les faux directeurs de zoo, les pseudo-hommes d’État et les sophistes politiques feraient campagne avec l’argument selon lequel ils sont de même nature que le troupeau ; le véritable éleveur, lui, miserait sur la différence et laisserait discrètement entendre que, parce qu’il agit sur la base d’une compréhension privilégiée, il est plus proche des dieux que des créatures confuses dont il assure la tutelle.
Peter Sloterdijk
Règles pour le parc humain (1999)
10 ANS ! 10 ANS DÉJÀ ! 10 ANS ENCORE ?
Pas de doute sur la date du numéro 0 ! Juin 2011. Pas nécessaire de se lancer dans un bilan et de remplir des lignes d’autosatisfaction ! Il suffit de constater que cela a eu lieu et que cela continuera d’avoir lieu. Quoi ? Un projet un peu insensé de faire connaître et partager avec ces inconnus que vous êtes, chers lectrices et lecteurs, nos découvertes, nos questionnements, nos préférences. Et cela a dépassé nos espoirs les plus fous puisque, aujourd’hui, vous êtes en moyenne 15.000 à nous rendre visite chaque mois !
Lieu de questionnement des images d’aujourd’hui, de leur matérialité, de leur statut, de leurs fonctions, de leur signification, TK-21 LaRevue a lentement muté, au fil de ces dix années, pour devenir une revue plurielle, toujours axée sur l’art et les images mais toujours plus accueillante pour la littérature et la philosophie et pour des réflexions sociétales non affidées aux pseudo-pensées dominantes.
Faire et aimer faire, rien de plus, rien de moins. Des amateurs au sens plein du terme auquel Bernard Stiegler a rendu sa puissance constructive, voilà ce que nous avons essayé et continuerons d’être.
Profitons donc de ce moment de regard brièvement rétrospectif pour remercier tous ceux qui ont accepté de nous suivre, pour un texte, une présentation d’œuvres, ou pour beaucoup plus. Toujours ce fut avec générosité. Car il faut le rappeler ici, notre parti pris était et est toujours d’être une revue en ligne gratuite. Les échanges sont d’idées, d’œuvres, d’informations. L’argent n’est pas absent, simplement il vient de ceux qui nous aident, amis, sponsors et vous lecteurs. La porte est ouverte. Il vous suffit de nous rejoindre ! Avec vos textes et vos œuvres. Et aussi de cliquer sur le bouton d’adhésion au bas de chaque newsletter.
Il suffit de rappeler que l’intégralité des 120 numéros précédents est accessible sur le site pour que vous compreniez que vous n’êtes qu’à quelques clics de découvertes rares. Car ce que vous pouvez lire, voir, entendre aussi à travers les entretiens que nous ont accordés des personnalités souvent extraordinaires (voir plus bas), vous ne le verrez et ne le lirez pas vraiment ailleurs…
Voilà ! C’est dit ! Que l’aventure TK-21 se poursuive, voilà ce que nous souhaitons !
PARLER AVEC…
Dans cet entretien récent avec Fred Forest au sujet de sa relation avec le grand penseur des images, entre autres choses évidemment, que fut Vilém Flusser, la question des images – élément central de TK-21 LaRevue — prend toute sa puissance. Ce travail est le fruit d’une collaboration avec les Flusser Studies. La réalisation est de Martial Verdier et de Jean-Louis Poitevin.
La plupart des nombreux entretiens vidéo ont été réalisés par Jean-Louis Poitevin et Hervé Bernard, mais aussi par Martial Verdier, Virginie Rochetti et Alain Wagner. Nous remercions ici toutes les personnalités qui nous ont généreusement accordé de leur temps. Pour ce numéro anniversaire, voici la liste complète avec accès direct. La présentation de ces liens est accompagnée d’œuvres récentes d’Hervé Bernard.
À lire, celui-ci, nous publions un entretien entre l’artiste Michele Spanghero et Dominique Moulon à propos de sa sculpture sonore Ad Lib. présentée à Institut culturel italien de Paris en collaboration avec la galerie Alberta Pane.
PENSER SANS LIMITES
Aveuglement théorique et insouciance éthique sur quelques faiblesses congénitales chez les sectateurs français de l’image... photographique en particulier, tel est le titre de l’article polémique, mais argumenté, que propose Jean-Louis Poitevin. Il s’agit de tenter de comprendre pourquoi l’œuvre de Vilèm Flusser a été si mal comprise et si bien occultée en France, avant qu’un réveil très récent ne se produise.
Nous poursuivons la publication des réflexions extraites de l’ouvrage L’Esthétique et ses bords de Pedro Alzuru avec le chapitre intitulé : Éducation esthétique, citoyenneté et communication.
ECOUTER SANS PEUR
Christian Globensky est aussi actif dans le champ musical et de la chanson. Avec Star Rounds ou comment danser des rondes célestes, il nous permet de découvrir, toujours entre dionysiaque et apollinien, un nouvel aspect de son travail.
CONNEXIONS EUROPÉENNES ET PLUS LOINTAINES ENCORE
TK-21 LaRevue a montré combien elle était attentive à ce qui pouvait se passer loin, parfois très loin de la pauvre petite France. C’est ce que confirment les œuvres et les textes présentés ici.
Ruth Patzelt et Wolfgang Seierl nous proposent avec Pier 86, un va-et-vient entre photographie et peinture. Une rencontre particulièrement éclairante sur la différence de relation à la réalité entre ces médiums.
Daniela Goeller nous fait découvrir, à la frontière entre art et société, comment le monde de la mode en Afrique du Sud est porteuse d’un renouvellement des formes créatrices.
ÉCRIRE SANS RETENUE
Jean-Paul Gavard-Perret avec Aller aux chars bons et Elizabeth Prouvost avec les images de la série Désordres nous conduisent pour l’un sur les chemins escarpés d’un érotisme débridé et pour l’autre sur l’explosion du désir à travers des images dans des tons or et sang.
Dans L’eczéma de nuit de Laetitia Bischoff, c’est la poétesse qui nous offre textes et images qui se mêlent pour dire l’au-delà du désir lorsqu’il s’éveille à la nuit : « montrez-moi votre délinquance / je vous dévoilerai mon pull rose ».
Avec Lost in the Supermarket #18, Aldo Caredda nous fait pénétrer dans le nouveau saint des saints de l’art contemporain, la Fondation Pinault qui a ouvert récemment à Paris.
LA PHOTOGRAPHIE DANS TOUS SES ÉTATS
Nul ne l’ignore la photographie — toutes les photographies — est toujours présente dans TK-21 LaRevue. Pour ceux qui en douteraient, voici ce que nous ont offert en cadeau pour nos dix ans certains de ceux qui nous accompagnent depuis longtemps.
Avec Mon XXe siècle en pseudo-autochromes, Frances Dal Chele nous permet de partager son rêve, celui d’être envoyé vers des pays lointains, largement inconnus, pour photographier la vie qui s’y trouve.
Le flux flou de l’être de Yannick Vigouroux est une série de portraits serrés, principalement féminins, réalisés suite à des petites annonces publiées durant la période récente de restriction.
Les modernes (2021) de Pascal Hausherr, qui était déjà présent dans le numéro 0, sont des images réalisées à partir d’une fatigue, de la lassitude d’une âme désolée face à un monde désolant.
Une Histoire engloutie Série argentique : MEMOREX – 2020-21 d’Alain Nahum est la résurrection sous forme de tirages de négatifs qui furent détériorés par un dégât des eaux. La rencontre entre images et fantômes n’a jamais été plus vraie.
« Vingt-quatre ans après avoir visité et photographié pour la première fois S-21, cette terrible prison khmère rouge transformée en Musée du génocide cambodgien à Phnom Penh, je suis retourné en 2018, dans ce lieu si chargé en émotion, où environ 18.000 hommes, femmes et enfants ont été exécutés. » C’est de ce retour dont témoignent la série intitulée Le bruit et la stupeur de Dominique Merigard.
Avec cet ensemble de photographies intitulé Monsieur H, Françoise Lambert montre qu’il fut possible de creuser le ciel du confinement pour l’élever à la hauteur d’une œuvre.