lundi 31 mai 2021

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La mort, le mort, la vie

Wolfgang Seierl et Jean-Marc Brunet à la galerie Akié Arichi

, Jean-Louis Poitevin , Jean-Marc Brunet et Wolfgang Seierl

Les peintres Wolfgang Seierl et Jean-Marc Brunet ont été réunis par la galerie Akié Arichi autour d’un thème reliant des mots d’une actualité incessante : la mort, le mort, la vie. Le premier manifeste le trouble qu’il y a d’être au monde entre lumière et désert, le second la puissance de résistance vibratile de signes-branches saisis à l’instant de l’hésitation entre extase et déclin.

Dans son travail actuel « Caput mortuum », autrement dit « crâne », Wolfgang Seierl fait référence au pigment du même nom fabriqué à partir de sulfates de fer, qui ressemble à la couleur du sang coagulé et que l’on retrouve depuis longtemps dans ses œuvres. Il compose un cycle dans lequel chaque tableau vient creuser des galeries sous les pieds de la mort, y cherchant l’ombre des morts, et à travers eux les possibles élans qui font et sont la vie.

En arrière plan, il y a le deuxième dithyrambe à Dionysos de Friedrich Nietzsche. De ce texte, il extrait le « brun éclatant » et le transforme en couleur, pendant que l’image qui s’impose met en scène les aspects du « désert ». Nietzsche évoque la mort de manière ambivalente puisqu’il ne cesse d’associer des éléments, des mots, des images, des concepts qui s’opposent radicalement. Face au feu et à la lumière, il y a le sable. Et mêlé au sable, il y a l’homme dont le « caput mortuum » est comme l’ultime saillance avant oubli qui s’élève à la surface du désert.

Wolfgang Seierl

Dans les œuvres actuelles de Wolfgang Seierl, le feu est aussi saisi comme puissance d’inscription puisque, affleurant sur les toiles il a laissé des traces, des marques de brûlure. Le feu, ici, est matériau pictural. Goethe, d’ailleurs, écrit dans sa « théorie des couleurs » que le feu augmente l’intensité des pigments de couleur et que le noir est également créé par la combustion. Et en effet, nombre d’éléments présents sur ses toiles évoquent des blessures, des marques de brûlure, tout en véhiculant des intensités et des énergies fortes.

Traces d’événements passés ? Traces de vie qui nous affectent et nous touchent ? Ces tableaux ne cessent de nous éveiller à une conscience paradoxale.

Wolfgang Seierl

« L’inspiration pour mon travail actuel est la flamme d’une bougie, qui, pour moi, rend visible la fonction de la vie et de la mort. La flamme enflamme les couleurs et les consume en même temps. C’est la combinaison de la lumière, de la braise et du charbon, de la suie, des cendres. Les matériaux utilisés représentent les traces laissées par le feu, les traces d’une blessure. Le brun rougeâtre du sang séché est un élément de mon travail, dans lequel la plaie, la zone ouverte, est discutée encore et encore. À propos de ce cycle, je me suis également inspiré de la musique de Nick Cave, de l’album Ghosteen (« And we hide in our wounds... »/ « Et nous nous cachons dans nos blessures... »). Nos blessures témoignent à la fois de notre vitalité et de notre vulnérabilité » remarque Wolfgang Seierl.

Jean-Marc Brunet

Jean-Marc Brunet est autodidacte. Il poursuit un questionnement visant à nous rendre perceptible ce que le paysage, les arbres, le ciel, la pluie, les éléments dans leurs manifestations les plus énigmatiques et pourtant les plus habituelles, nous « font » à nous les humains.

Jean Clarence Lambert, dans un texte qu’il lui a consacré le range dans la catégorie des « peintres du dépaysage [...] C’est ainsi que je désignais, poursuit-il, dès les années 1950 les abstraits lyriques qui tentaient de faire apparaître sur leurs toiles comme l’être de la nature, au-delà de l’immédiateté spectaculaire [...] Et ce fut, sans doute aucun, l’une des plus véritables originalités de la peinture au XXe siècle. Jean-Marc Brunet maintient cette originalité, qu’il enrichit à perte de vue selon son tempérament, qui est lyrisme [...] Comment ne pas l’en admirer – alors que l’art majoritaire d’aujourd’hui a abdiqué toute ambition (ou volonté de différence) devant la réalité, – obsessionnelle, marchandisée – ? »

Jean-Marc Brunet

De son côté Bernard Noël précise que « le problème avec cette peinture est que l’apparence, justement, est sans cesse remise en question par des effets que l’immobilité naturelle de la peinture devrait interdire. Dans les œuvres figuratives, les figures avaient des expressions que le regard animait en les identifiant. Dans les œuvres dites abstraites, les rapports des formes et des couleurs avaient une valeur expressive plus ou moins sensible ; chez Brunet quelque chose a lieu que le mot « présence » employé plus haut peut désigner, mais trop vaguement. Est-ce le préciser si l’on dit que, chez lui, la « présence » tient le rôle que partout ailleurs assume la « forme » ? Reste que la peinture est appelée à jouer de la représentation alors que la présence est irreprésentable et liée à une suggestion dont l’effet ne saurait être garanti. »

Jean-Marc Brunet

Exposition à la Galerie Akié Arichi
Du 19 mai au 26 juin 2021
Du mardi au samedi, de 14h à 19h
26, rue de Keller
75011 Paris - France
Tél : (33) 9 51 46 51 14 galeriearichi@hotmail.com
https://www.akiearichi.com

Frontispice : Wolfgang Seierl