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La Divine Comédie
L’Enfer, tome I
Jonathan Abbou
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Depuis bientôt trois années, je travaille à l’illustration de l’Enfer, de la Divine Comédie de Dante Alighieri le poète florentin (1265-1321).
Dans mon travail de photographe, ma liberté a été totale, à certains endroits.
Je me suis efforcé de coller au texte dans les compositions globales et les reconstitutions des cercles avec leurs damnés, mais me suis permis une grande liberté dans les corps érotisés.
Souvent je me suis engouffré dans les failles de certains tercets énigmatiques. Le texte comprend de nombreuses zones troubles, non pour Dante, mais pour le lecteur. Là où les commentateurs sont prodigues en « exégèse », j’ai pris de l’aisance dans mes interprétations.
Plus certains points sont interprétés et plus on s’éloigne de la vérité. J’y ai donc naturellement proposé la mienne.
Ainsi, la Lonza, dans le Chant I, dont personne depuis sept siècles n’a jamais su expliquer quel était cet animal fantastique sorti de l’imaginaire dantesque : j’en ai déduit une tête effrayante de saurien. Je n’ai même pas tenu compte des descriptions de couleurs chatoyantes de cet « animal » pourtant claires dans le texte. Même chose pour de nombreuses visions allégoriques comme celles de la Fortune ou du Messager céleste ouvrant la porte de la cité de Dité par exemple.
- Chant I de l’Enfer, la Lonza
* Chant I (…) Nombreux sont les animaux auxquels elle s’accouple, et plus nombreux seront-ils encore, jusqu’à ce que vienne le Lévrier qui la fera périr dans les tourments. Celui-ci ne se nourrira ni de terre ni de peautre, mais de sagesse, d’amour et de vertu, et son pays sera entre Feltre et Feltre. Il sera le salut de l’humble Italie, pour qui moururent la vierge Camille, Euryale, Turnus et Nisus, de leurs blessures. Il pourchassera la louve par toutes les villes, jusqu’à ce qu’il l’ait rejetée à l’enfer, d’où à l’origine l’envie la fit sortir. (…)
- Chant I de l’Enfer, Le Lévrier fait périr la Bête II
* Chant II « Béatrice, louange véritable de Dieu, pourquoi ne vas-tu pas au secours de celui qui t’aima tant qu’il sortit pour toi de la horde vulgaire ? N’entends-tu pas l’appel pitoyable de sa plainte ? Ne vois-tu pas la mort qui le menace, sur le fleuve impétueux que la mer ne surpasse point en danger ? » Il n’y eut jamais au monde personne aussi prompte à chercher son intérêt ou fuir son dommage que je ne le fus après que ces paroles me furent dites, je descendis ici-bas de mon siège bienheureux, mettant ma confiance dans ton noble langage, qui te fait honneur à toi et à ceux qui l’ont écouté. » Après qu’elle m’eut ainsi parlé, elle tourna vers moi ses yeux brillants et pleins de larmes,
- Chant II de l’Enfer
* Chant III PAR MOI L’ON VA DANS LA CITÉ DOLENTE, PAR MOI L’ON VA DANS L’ÉTERNELLE DOULEUR, PAR MOI L’ON VA PARMI LA GENT PERDUE. LA JUSTICE INSPIRA MON SUBLIME ARTISAN ; LA DIVINE PUISSANCE M’A FAITE, ET LA SAGESSE SUPRÊME ET LE PREMIER AMOUR. AVANT MOI IL NE FUT RIEN CRÉÉ SINON D’ÉTERNEL, ET MOI JE DURE ÉTERNELLEMENT. VOUS QUI ENTREZ, LAISSEZ TOUTE ESPÉRANCE. Ces paroles de couleur sombre, je les vis écrites au haut d’une porte ; aussi je dis : « Maître, leur sens m’est dur. » Il me répondit, en homme informé de mes pensées : « Ici il faut bannir toute crainte ; il faut qu’ici soit morte toute lâcheté. Nous sommes arrivés au lieu où je t’ai dit que tu verrais la race douloureuse de ceux qui ont perdu le bien de l’intelligence. »
- Chant III de l’Enfer, Vestibule des laches
* Chant V Minos se tient là, horrible et grinçant des dents ; il examine les fautes à l’entrée, il juge et assigne les places en se ceignant. Je veux dire que lorsque l’âme maudite comparaît devant lui, elle se confesse entièrement, et cet inquisiteur des péchés voit quel lieu d’enfer lui convient ; et il se ceint de sa queue autant de fois qu’il veut lui faire descendre de degrés. Il y en a toujours beaucoup devant lui ; chacune à son tour passe en jugement ; elle parle, elle entend, puis elle est jetée en bas.
- Chant V de l’Enfer, 2e Cercle, Minos
- Chant V de l’Enfer, Cléopâtre la luxurieuse
- Chant V de l’Enfer, Confession des péchés de l’âme
- Chant V de l’Enfer, Sémiramis reine du royaume de Babylone
* Chant VI Je suis au troisième cercle, de la pluie éternelle, maudite, froide et pesante ; jamais ne change ni sa qualité, ni sa violence. De la grosse grêle, de l’eau noirâtre et de la neige se déversent à travers l’air ténébreux ; la terre en pue, qui reçoit tout cela. Cerbère, bête cruelle et monstrueuse, aboie comme un chien, de ses trois gueules, contre les gens submergés là-dedans. Il a les yeux vermeils, la barbe onctueuse et noire, le ventre large, les mains armées de griffes ; il déchire les esprits, les écorche, les écartèle. La pluie les fait hurler comme des chiens ; de l’un de leurs flancs ils tâchent d’abriter l’autre ; ils se retournent souvent, les malheureux impies.(…) (…) Vous, mes concitoyens, vous m’appeliez Ciacco ; pour le damnable péché de la gourmandise, comme tu le vois, je me débilite sous la pluie. Et mon âme douloureuse n’est pas ici la seule ; car toutes celles-ci subissent la même peine pour la même faute. » Et il n’ajouta plus rien.(…)
- Chant VI de l’Enfer, Le troisième cercle des gourmands
- Chant VI de l’Enfer, Petit diable harcelant une gourmande
* Chant VII Ici je vis des gens plus nombreux qu’ailleurs qui, de part et d’autre, avec de grands hurlements, roulaient des poids lourds à force de poitrine. Ils se heurtaient à leur rencontre ; puis à ce point chacun faisait demi-tour, roulant son fardeau en arrière et criant : « Pourquoi amasses-tu ? » et « Pourquoi prodigues-tu ? » Ainsi ils tournaient par le cercle sombre, de chaque côté jusqu’au point opposé, en criant toujours leur honteux refrain ; puis chacun s’en revenait, quand il était, par son demi-cercle, arrivé à l’autre joute.
- Chant VII de l’Enfer, Avares et prodigues poussant leur pierre
- Chant VII de l’Enfer, Marais du Styx
* Chant VIII Il me dit : « Sur les eaux fangeuses tu peux déjà découvrir ce que l’on attend, si les exhalaisons du bourbier ne te le cachent pas. » Jamais corde ne décocha une flèche qui fendit l’air si rapidement qu’une petite barque que je vis venir vers nous, sur l’eau, à l’instant même, gouvernée par un seul nocher qui criait : « Te voici enfin, âme félonne ! » « Phlégias, Phlégias », dit mon seigneur, « pour cette fois, c’est en vain que tu cries, tu ne nous auras que pour traverser le bourbier. »
- Chant VIII de l’Enfer, les coléreux
* Chant IX « Dirige maintenant la vigueur de ton regard sur ces antiques flots écumants, là où ces vapeurs sont plus âcres. » Comme les grenouilles devant la couleuvre ennemie disparaissent toutes sous l’eau et vont se blottir contre la terre, ainsi je vis plus de mille âmes épouvantées fuir devant quelqu’un qui, sans se presser, passait le Styx à pieds secs. Il écartait de son visage cet air épais, d’un geste fréquent de la main gauche ; et cela seulement paraissait l’incommoder. Je m’aperçus bien que c’était un messager du ciel et je me tournai vers mon maître ; il me fit signe de me taire et de m’incliner devant lui.
- Chant IX de l’Enfer, Messager céleste ouvre la porte II
- Chant IX de l’Enfer, Messager céleste ouvre la porte III
* Chant X Maintenant mon maître s’en va par un sentier caché, entre le mur de la cité et les tombes de supplice, et je marche derrière lui. « Ô sublime vertu, qui me conduis par les cercles impies », commençai-je, « Parle-moi et contente mes désirs comme il te plaira. Pourrait-on voir les gens qui gisent dans les sépulcres ? Tous les couvercles sont déjà levés et personne ne monte la garde. » Il me répondit : « Tous seront fermés quand ils reviendront ici de la vallée de Josaphat, avec les corps qu’ils ont laissés là-haut. De ce côté, Épicure et tous ses disciples ont leur cimetière, eux qui font l’âme mourir avec le corps. Aussi sera-t-il ici même satisfait bientôt à la demande que tu m’adresses, et au désir encore que tu ne m’exprimes pas. »
- Chant X de l’Enfer, Sépulcres des hérésiarques III
- Chant X de l’Enfer, Sépulcres des hérésiarques IV
* Chant XI Puis il commença à me dire : « Mon fils, à l’intérieur de ces rochers, il y a trois petits cercles, de plus en plus étroits, comme ceux que tu viens de quitter. Tous sont pleins d’esprits maudits ; mais, pour qu’il te suffise ensuite de les voir, apprends comment et pourquoi ils sont ainsi étroitement entassés. Toutes méchanceté qui attire la haine du ciel a pour fin l’injustice ; et toute fin pareille fait tort à autrui soit par la force, soit par la fraude ; mais parce que la fraude est un mal propre à l’homme, elle déplaît davantage à Dieu ; c’est pourquoi les fraudeurs sont au-dessous et plus de douleur les assaille. Le premier cercle est tout rempli de violents ; mais comme la force s’exerce contre trois personnes, il est divisé et construit en trois enceintes. On peut faire violence à Dieu, à soi-même, au prochain, je dis sur eux et sur leurs biens, comme tu le comprendras par un raisonnement clair… »
- Chant XI de l’Enfer, Géographie des damnés
- Chant XI de l’Enfer 2
Je travaille avec des techniques photographiques argentiques, en mixant tous les procédés alternatifs que je maitrise, comme les virages, les colorisations manuelles aux encres, les interventions sur émulsion etc.
Réaliser tous les chants en un seul volume aurait été trop fastidieux. Cela m’aurait fait sortir l’ensemble, en librairie, dans de nombreuses années. S’atteler à une œuvre aussi monumentale que la Commedia est quelque chose de très ambitieux et peut faire apparaître une certaine lassitude avec le temps, voire un découragement...
C’est donc pour cette raison que j’ai décomposé les trente-quatre chants de l’Enfer en deux tomes, réunissant chacun dix sept chants.
J’espère que le lecteur me pardonnera toutes mes « hérésies », mais néanmoins, ce qui est rassurant et à mon grand avantage, c’est que Dante dans toute son œuvre magistrale ne prévoit pas de places dans son enfer pour les iconoclastes de ma nature.
Sur la traduction d’Alexandre Masseron
Pour ma part, parmi les dizaines de traductions de la Commedia qui sont sur le marché littéraire, j’ai choisi celle d’Alexandre Masseron. Elle est, à mon sens, la plus claire, mais aussi la plus honnête dans la restitution de la pensée de l’auteur. Masseron ne cherche pas à faire de la rime, ni du texte de Dante un écrit kabbalistique, où le traducteur s’est fait plaisir mais où le lecteur, non initié, ne comprend rien. Idem lorsque les mots choisis sont les purs fantasmes du traducteur...
La connaissance du christianisme et de l’histoire médiévale d’Alexandre Masseron font que ses commentaires en annexe, nous paraissent au plus près du sens originel. Lorsqu’il ne sait pas, il n’interprète pas, mais à l’élégance de nous renvoyer aux auteurs qui aiment à se perdre là-dedans. Il respecte le nombre de vers dans les tercets en restant fidèle à la numérotation symbolique de Dante.
Pour TK-21 je livre un extrait de ce travail qui est loin d’être terminer…
- Chant XI de l’Enfer 3