samedi 30 juin 2018

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Ibn El Farouk, de l’oxymore en photographie

Exposition à la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger

, Ibn El Farouk et Mohamed Rachdi

Ce qui caractérise la démarche photographique de Ibn El Farouk dans la scène artistique marocaine, c’est que celle-ci est la seule à se préoccuper de l’abstraction en photographie et de sa portée picturale.

En effet, le photographe propose depuis longtemps des œuvres où il est difficile sinon impossible de repérer quelques références à une réalité visuelle immédiatement reconnaissable. C’est que l’artiste ne se limite pas à une prise de vue, mais construit ses photos en explorant un registre artistique suggestif en son fondement paradoxal.

« Oxymore », tel est le titre sous lequel, Ibn El Farouk déploie ses photos.
Un oxymore c’est une figure de rhétorique qui rapproche un nom avec un adjectif en une formule paradoxale telle « une obscure clarté » par exemple. En principe, toute œuvre digne de ce nom devrait fonctionner comme un oxymore, comme une charnière entre deux réalités contradictoires. Ibn El Farouk semble focaliser tout son intérêt sur ce principe qui devient pour lui le moteur de création à même d’éloigner sa pratique photographique de toute dépendance servile à quelque motif à représenter. Résultat : ces photographies donnent à voir un visible paradoxal, plutôt abstrait que réel, plutôt non-identifiable qu’identifiable, qui interroge au premier chef les moyens même de l’acte photographique et non l’iconique, les médiums, les processus chimico-optiques et non la saisie de l’image.

Et c’est là où réside la singularité de la démarche créatrice de Ibn El Farouk, qui opte pour l’oxymore comme organon d’exploration susceptible de surprises esthétiques et d’ouvertures à des réalités poétiques inattendues. En réalité, il s’agit avec ces photos, qui peuvent évoquer (et non pas imiter) l’abstraction des œuvres picturales d’un Marc Rothko par exemple. Une abstraction seulement d’apparence, car, en fait, il s’agit d’un réalisme qui échappe à notre habitude perceptive. Ce que ses photos captent est ce que nous ne sommes pas capables de voir d’emblée et avec nos simples yeux de chair. Et dans ce sens, il s’agit véritablement d’un art qui ne reproduit pas, mais qui révèle, qui révèle photographiquement. On rejoint de manière étonnante (étonnante, parce que la photographie n’était alors perçue que comme simple reflet de la réalité visuelle et décriée précisément pour cela par les peintres qui s’en méfiaient parce qu’elle incarne à leurs yeux l’aboutissement technique d’un art de la mimésis) la fameuse formule de l’un des pionniers de la modernité picturale, Paul Klee : « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible. » ou encore ce propos d’Eugène Ionesco : « L’œuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde ; mais elle est à l’image du monde. ».

Ce qui préoccupe Ibn El Farouk n’est pas conceptuel, mais matériel. Traquer au plus près la vie de la matière, voilà en fait ce qui le fascine, comment rendre compte du processus qui façonne la matière photographique, le temps et les agents qui y opèrent sans cesse. C’est pourquoi son univers poétique n’offre pas une image du monde reconnaissable, mais s’impose comme un monde qui vit de manière autonome. Un monde qui ne déploie d’autre récit que celui de son propre fonctionnement.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la photographie de Ibn El Farouk n’est pas narrative, mais exploratrice. Fondée sur l’expérimentation, elle explore son propre mode de fonctionnement dans une autoréférentialité qui ne se détourne du récit et de l’image, que pour mieux interroger en la matière même de la photographie, le potentiel expressif du médium et non ses possibilités mimétiques ou anecdotiques. C’est sans doute dans ce sens que cette approche n’est pas tout à fait abstraite (ou alors toute photo est abstraite, même celle qui capte le réel), mais bien concrète. L’activité photographique d’Ibn El Farouk n’œuvre, en fin du compte qu’à mettre en lumière les paramètres effectifs qui la gouvernent, à révéler la spécificité des conditions physiques de sa propre montée à la visibilité.

C’est assurément pourquoi, alors-même qu’elle n’est pas recherchée en tant que telle, la beauté esthétique qui résulte de la démarche créative de Ibn El Farouk est exceptionnelle et singulière en ce qu’elle propose au regard et à la pensée des univers qui suggèrent des territoires picturaux porteurs de qualités plastiques qui excèdent le photographique classique pour s’inscrire dans l’expression plastique picturale.

Casablanca, le 16 juin 2018

Voir en ligne : www.ibn-farouk.com

Exposition à La Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’Etranger du 5 juillet au 4 août 2018, « Oxymore Suite » de l’artiste photographe maroco-français Ibn El Farouk à l’Espace Rivages.

Vernissage le jeudi 5 juillet 2018 à l’Espace Rivages, au siège de la Fondation.
Contact presse
Mme Fatiha Amellouk
Chargée du Pôle Art&Culture et Communication
Fondation Hassan II Pour les Marocains Résidant à l’Etranger
67, boulevard Ibn Sina, Agdal, Rabat
Tél. (212) 05 37 27 46 50
Fax : (212) 0537 67 02 35 
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