mercredi 1er mars 2023

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Foutaise

Texte de Bibi-la-vertu & illustrations de Mélody Da Fonseca

, Benjamin Guerin et Melody

Éros sous toutes ses formes, dans les mots comme dans les dessins ! À consommer sans modération.

La Relique

Bernard cherchait, fervent, les restes disparus
Dans le désastre enfoui de ces bars, de ses rues,
L’œil hagard, tout tremblant et la langue pendante,
Explorant les débris des ruines ardentes
Et remuant le fouillis que l’abîme déballe,
Bernard cherchait confiant les restes d’Hannibal.

Depuis quatre mille ans il désirait en vain
Dénicher LA relique, un fragment du divin
Hannibal ce totem que Paris réclamait,
Que l’Europe espérait et le monde attendait !
Rien qu’un ongle, un cheveu, un filet de salive
Ou un cil alangui, un soupçon de gencive,
Un morceau du chapeau, un tesson de timbale...
Mais il ne trouvait rien des cendres d’Hannibal.

Au bout de sept-mille ans, éreinté, abattu,
Bernard perdait courage et s’avouait vaincu.
Cette quête au trésor ne prendrait jamais fin !
Et Bernard était las, et Bernard avait faim...
Alors humant la terre où l’appétit l’entraîne
Il tombe nez à nez sur la quiche lorraine
Qu’Hannibal autrefois avait juste entamée :
Là voilà le restant de ce dieu tant aimé !

Bernard la fait sertir de rubis et saphirs,
Cercler d’or et d’argent pour que le peuple admire
Ce Graal invaincu, culinaire ostensoir,
Qu’on vient en pèlerin du matin jusqu’au soir
Contempler comme idole. Et Paris et l’Europe
Et le monde exaltés tous ensemble galopent
En procession de joie pour prier la relique
Dont Bernard exaltait les vertus bénéfiques.

On lui bâtit un temple, un sanctuaire s’élève,
Un culte est prononcé car la quiche relève
Les .paraplégiques et les vieillards courbés.
Elle rend même la vie à tous les macchabées
Et guérit chaque mal, du simple hémorroïde
Au foie violacé qu’on croyait invalide !
Et le monde dès lors, au rythme des cymbales,
Rend grâce au très saint nom du puissant Hannibal !

Mélody Da Fonseca — Bibi la vertu

Foutaise, bibi-la-vertu

Le père matrie

Kokorikos, foi d’animal !
Un peu de foutre de bons mâles,
un poing d’appui, un beau levier,
et on va fabriquer le monde !
Kokorikos versez à plein
et emplissez tout à la ronde,
les filles outrées qu’on veut fécondes
et qu’elles fassent des garçons,
jutez à tort et à travers !
Plus de beau sexe ? Montez vos frères,
engrossez-vous les uns les autres.
Kororik’au fondement !
Mouillez entrailles et à la pelle
faites accoucher la ribambelle
de vos aînés, de vos cadets et
benjamins, kokoriko !

Vocation

Sans doute ne serai-je pas
Homme de l’ombre dont le pas
Fleurit l’asphalte et les bitumes.

J’ai trop, je sais, de la coutume
Dressé totem et fantaisies
Ballottant vos âmes saisies
Par le frisson de mes mots sûrs.

Ne croyez pas, gentils tourments,
Que tous mes préceptes déçurent.
J’ai plu, je crois, ne sais comment...
Dans les regards qu’on me hala.

Alors allez ! Parcourez la
Terre complice et sans regret,

Vous prierez pour moi s’il vous plaît.

Mes dons à l’aune de vos plaies
Comprenez-vous, ça se mesure !
J’ai trop aimé. Je vous rassure :
La faute m’en est pardonnée.
N’y allez pas vous adonner :
De vertu il vous faut tripler,

Et priez pour moi s’il vous plaît.

Si j’ai chu loin de mon habit,
Table rasez, n’exhumez guère
De vos fictions la croix de guerre ;
Gardez vos âmes de brebis.

Je suis curieux c’est mon défaut.
Un penchant léger, naturel...
J’aime la vie ! Ça sonne faux
De chanter sobre l’Éternel.

Je joue les faunes en soupers
Dîners en ville, orgies fameuses.
L’esprit ardent, la voix charmeuse,
J’envoûte les miens entroupés,
S’humiliant à me contempler...

Et priez pour moi s’il vous plaît.

C’est du délit de sale tête !
De m’en vouloir ce qu’on s’entête !
Je ne suis pas beau mais replet...

Priez donc pour moi s’il vous plaît !

Si par hasard un gentil frêle
Et mignonnet s’ouvre à mon cœur
Et sage ainsi que je n’écœure,
Ne jetez pas criquets et grêles !

Moi je suis riant, je m’amuse !
Le vin, l’ivresse et toutes muses
Pour mon plaisir vont s’accoupler.

Oui, priez pour moi s’il vous plaît.

Car je suis homme. Et après tout
J’ai des envies, vous des atouts...
Qui donc y peut être insensible ?

Cessez de geindre, affrontez donc
Le Malin en vous imprimé.
Écoute adorable opprimé
Et goûte en toi mon abandon.

Je vais te montrer rien qu’un peu,
Te relever de ta faiblesse !
Je te le dis, vas-y, tu peux
Lorgner, palper ce qui ne blesse.

Je te demande, et je t’ordonne !
Je prends ce corps et m’y adonne.
Et je te maudis si tu grognes ;
Et si tu remues je te cogne !

La chair est faible et folle à lier.

Et par le don du ministère
Je te pardonne tes péchés.
Vis dans la joie et va chercher
La vérité sur cette terre
De paix, de Salut surpeuplée.

Tu prieras pour moi hein, s’il te plaît.

Mélody Da Fonseca — Gâteau boobs

Mon rejeton

On avait pas prévu d’accoucher
moi et la tante Ida le même jour.
Ce qu’on a souillé de draps, au velours
des rideaux les mouches en restaient
coites.
La tante Ida gueulait et moi j’attendais,
quoi ? Que tu sortes, merdeux,
mais tu ne venais pas, j’en ai
donc roulée une, et réclamé
du feu car pas de fumée sans.
La tante Ida crevée on la vit ta tête,
ta vieille tête émerger
savamment de mes flancs
et on te fit cadeau alors,
car chez nous ça se fête,
de la vie ce poison que tu semblais vouloir.
- Souris mon ange et dis-toi bien,
que si mes âpres phalanges, eh oui mon
ange, oui mon poison, ne te dérangent,
c’est pour éviter la prison.

La tour

Surprendre la tour voir la tour
Statuer sa stratification

Comprendre la tour voir la tour
Évaluer le nombre de ses balcons

Recenser ceux qui à l’ombre font soleil
Ceux qui au soleil font de l’ombre

Comprendre la tour voir la tour
Savoir les rythmes qui la jalonnent
Et si les vieillards en pardonnent
L’érection

Comprendre voir la tour
y vivre seulement
et décevoir le jour.

* * *

il était la délicatesse
l’or dans des prés
priant dormir auprès
nous n’avions de cesse

tout suint sentait lui
la floraison d’un blé
du soleil en suait
dont on sait qu’il reluit

et brute et gaufrée
toute de crêpe sinuante
attendrie nonchalante
en silences d’orfraie

sa bouche oh oui
celle qu’on touche
et de langue fuit
sa belle sa sainte bouche

tançait de la délicatesse
de l’or en prêt
jusqu’en désespérer
nous n’avions de cesse.

Mélody Da Fonseca — Jean fleurs

ô pluie

C’est le pus sortant des urètres
que l’on se surprend à presser,
presser nos glands furieux de reîtres,
nos vits d’impies, nos queues dressées.

C’est la merde au cœur de nos tripes
endormie, prompte à caresser
la bite infâme au bout blessé :
saint lubrifiant du cul qui grippe.

Et c’est aussi les jus amers
résidus en fond de capote,
douces purées, âcres compotes,
délice ancien de nos mères !

La froide fange éternuée
du sexe odieux, et qui se grise
à esquiver toute l’emprise
des coups de langue exténuée.

Et c’est encore la jaune pisse
que ton gosier de chiotte abîme,
déluge d’or : jusqu’à l’ultime
goutte boire il faut que tu puisses.

La beige vase en vos vagins
et blanche perte à en pleurer,
ta crème brune à mon engin
et à vos gouffres affleurée !

Que nous les savourons ces laves !
Sans jamais offenser les cieux,
chantons cette lyrique bave.
Car la vie coule et c’est tant mieux.

* * *

Je m’enlise à plaisir et la foi de mes pères ne me pourra sauver.
Tyran vieux d’un orient pas si extrême j’aime
À entendre qu’on jette
Au fond d’un précipice la musique de premiers-nés
Où les crânes s’orchestrent.
Paraplégique iconoclaste et bleuissant,
J’ai fait griller des fèves pour les petits oiseaux,
Qu’ils s’y étouffent.
Je roule de grosses pelles à des poissons que les drogues ont bercés.
Il y a comme une butée dans l’agonie de mon geste.
Observez mes mains. Tout l’occident y meurt.
Si je réclame du café mes dents se noirciront.
Mon œil.

* * *

Ne prends pas cet air crédule quand tu te cures le nez
Il faut donner l’impression d’en connaître
N’en veux pas à tes tympans, c’est la bouche qui trahit
Sois sûr de ton maintien
Fais reposer tes paumes à l’ombre des vertus
Fouille dans chaque rétine un miroir innocent
Quelques fois ris de ton avilissement
La table qui t’accueille est toute de dissection
Fais croire à ton cœur qu’à ton pas les bitumes fleurissent
Embrasse plus que tu ne parles car le baiser maladive moins
Crève le bubon d’orgueil qui te pousse aux reins
Quand tu chies pense à Dieu, à la terre quand tu pries
Brosse ta culpabilité jusqu’en faire reluire les cuirs et briller les fers
Éructe d’en avoir trop fait
Rassure toi d’avoir soif
Et finis de pleurer sur ce pauvre soleil

Frontispice : Mélody Da Fonseca — Femme poisson