dimanche 29 octobre 2017

Accueil > Les rubriques > Cerveau > Des changements logiques et les changements physiques et autres

Des changements logiques et les changements physiques et autres

Parution du dernier livre de Joël Roussiez

, Joël Roussiez

Les lecteurs de TK-21 LaRevue ont déjà pu découvrir de nombreux textes qui composent cet ouvrage qui a trouvé, enfin, un éditeur "papier" ! Grâce lui soit rendue ! Ce sont les Éditions de l’Arbre vengeur qui publient donc Anecdotes et joyeux propos biographiques du pirate Farfali et comment il arriva, pour finir, qu’il débandit de Joël Roussiez

Des changements logiques et les changements physiques, per exemplii

Il nous faut cependant, nous dit le philosophe considérer les changements logiques et les changements physiques car nous dit-il « changer à la mode de Cambridge, est-ce changer vraiment ? » Par exemple est physique le changement qui survint du rata que rata Barnabé car il est constatable. « On peut donc le tâter sur la table ? » questionna Barnabé, « justement pas puisqu’il n’y en avait pas ! », c’est l’âne qui le dit. Convaincu et donc vaincu, Barnabé posa le sien cul sur une planche à côté de l’âne qui écoutait avec attention car il a de grandes oreilles, on ne le fait pas dire. Cependant, ajoute le philosophe, peut-on dire que de ce changement physique, il s’ensuit un véritable changement, car entendons bien : il aurait dû y avoir du rata puisque mardi on était, mais de rata il n’y avait, c’est donc un fait potentiel, la potentialité étant inexistante car on ne peut la palper... « Cependant, quand il y a une différence de potentiel, cela peut causer des dégâts ! Moi, j’ai connu une vache qui mourut un jour d’orage de la différence entre ses pattes de devant et derrière qui était fort grande » c’est l’Arverne qui offrit à la méditation cette épate que le philosophe laissa choir comme on laissa choir les colonies du temps du grand Charles, ce qui n’était point bizarre puisque le général Bigeard l’approuva « affirmatif, chef ! » ne le dit-il pas ? La potentialité, il faut en convenir, poursuit le philosophe, est d’ordre mental, elle ne peut être physique en conséquence, ainsi il n’y eut pas véritablement changement mais changement dans ce qu’avait supputé Barnabé, c’est-à-dire dans ce à quoi il s’était disposé qui n’existait pas encore. Par ailleurs, sa disposition ne saurait être attribuée exclusivement à lui-même puisque dépendante et du mardi, et du rata, sans compter l’Arverne, l’auberge et le cuisinier et les servantes. Il était gai de tout cela pour lequel il se déplaçait mais il fut déçu en apprenant que du rata, il n’y avait pas ; alors est-il resté le même mentalement après cet événement qui n’avait pas eu lieu ? Ce qui n’est pas la même chose que de l’écouter dire : j’aime le rata, qu’il y en ait ou pas. Nous tenons à le préciser, précise le philosophe « Cependant, ajouta l’âne, il y a rata et rata ! Un bon rata n’est pas raté par exemple » la remarque était judicieuse et le sourire de l’âne la compléta tant il est vrai que deux monstrations valent mieux qu’une. On se gratta la tête, ça vole haut, se dit-on en le ciboulot et au boulot, il fallait mettre la réflexion pour suivre la conversation... On peut considérer raisonnablement, considéra le philosophe en se drapant dans un burnous de laine de mouton, ce qui attira à lui une partie du troupeau qui n’ayant plus d’herbe à brouter s’en vint sentir l’avenir de la laine qui sauva l’Angleterre par la Nouvelle-Zélande. En un zèle donc ovin, les moutons humèrent le burnous et ce faisant fourrèrent leur museau dans les plis du manteau, cachés donc étaient ces derniers, si bien que leur allure changea sans pour cela changer réellement, le philosophe s’en étant aperçu le précisa avant que de considérer avec la suite dans les idées que l’humeur de Barnabé fut changée car de gai, il devint triste et, comme corps de garde réduit aux hallebardes se plaint que cela ne sert à rien car on vient d’inventer le canon, il geignit. C’est donc poursuit royalement le philosophe une certaine qualité de son être, si tant est qu’il y en ait mais qu’y aurait-il d’autre, « tu ne feras pas exister ce qui n’est pas », le disait Parménide, or Barnabé existe donc il est..., une certaine qualité donc de son être est changée mais lui l’est-il ? Il ne fallait pas davantage pour mettre l’huile sur le feu de la tête chaude de Barnabé quelque peu saoulé par les boissons alcooliques et les paroles très logiques qui tournent en rond... Rond donc qu’il était de tout cela, si bien qu’il vacilla, et qui vacille se retient, et se retint donc à la queue de l’âne qui, comme il arrive parfois qu’on ait des fuites, se prit à crottiner d’être sollicité de l’arrière. Son état délesté se modifia et, en quelque sorte libéré et plus léger, il prit la parole ampoulée car cela se prend et souvent parole éclaire : « cependant Barnabé reste le chef du troupeau ! », « mais le troupeau sans chef existe indépendamment » Raymonde tint à le rétorquer en s’éloignant un peu car elle avait entendu un bruit. Le philosophe en convient, il s’en rend compte puisque là est le troupeau qui hume son burnous et là est Barnabé sur une planche à côté de l’âne. Socrate assis n’est pas la planche, conclut-il, de bois.

Le grand combat

Éloignés donc de quelques pas, l’Adjudant sourit au Pirate qui en retour du même lui posta son sourire et les deux sourires se rencontrèrent en baissant les yeux sur la roteuse entre les mains de Farfali qui brandit le boire ainsi que du brandy que boit l’anglais pasteur à l’heure du froid souper. Le flambeau d’une conciliation déjà entamée alors qu’il ne l’était incita, porta les émois jusqu’à l’incandescence et l’on sortit le couteau de Laguiole où il y a un taureau dont on touche la queue pour porter le bonheur ; il y avait deux couteaux, l’un faisait face à l’autre qui entamera le plomb de la bouteille pour la faire sauter ainsi qu’omelette aux œufs ?

Si la question est posée, c’est que l’attente dura quelque peu et que durant cette attente qui attendait son remplissement, arriva l’Arverne qui s’écria :

– Bon dieu ! comme bête car il se trouva ainsi entre les belligérants, ou ce qu’il prenait pour tel, et tel le sanglier assailli de deux coutelas qui attendaient sa mort, il rua sur l’un et fonça sur l’autre ; mais « hop » la bouteille fut sauvée tandis que l’Adjudant s’en adjugeait la prise qu’il avait bel et bien prise à la volée alors qu’il ne l’avait pas volée, bien méritée donc. L’Arverne aplatissant les chairs du Pirate se releva bientôt et dit « qu’est-ce que ça ? » il en oubliait le français ; le Pirate rétorqua comme on taque « quoi ça ? » il parlait l’arvernien et l’on rigola « que c’est bon ça ! Mais range ton coutelas ». L’Adjudant ayant observé ce spectacle concomitant d’une certaine importance qui ne nuit nullement à la philosophie, agita la main droite qui tenait la bouteille et d’une main dextre mais experte en rangement de couteau rangea ce dernier à lui dans une poche annexe ainsi qu’on en munit le derrière du froc ainsi qu’on nomme la chose à l’armée qui le nie en légion en l’appelant portefion, ce qui fait que dans notre proposition et en tirant les cheveux on obtient : ainsi qu’on en munit le fion en l’armée ; d’où il s’ensuit munifion et quoi de plus précieux pour une armée que d’avoir des munitions pour tenir le siège ?

Il fallait le trouver !

Et il avait au cul couteau, comme dit la chanson ; ce qui est munition blanche et donc histoire pour rien.

Mona Lisa

L’âne arborait le sourire ineffable du contentement tel qu’en portait Mona lorsqu’elle lisa quelque chose dans un livre et fut surprise par Léonard qui la peignit ; il s’ensuivit une peignée de se voir découverte lisant un livre qui insinuait entre les lèvres un sourire, équivoque, ô combien !

– Cha chamais vu encholeuse pareille ! aurai-che tant délaiché le charbon des affaires, pour arder à ichelui-chi, n’en cracha-t-il pas Le Bougnat devant sœur Dorota qui était polonaise ?

Ce sourire était tel donc que le peintre s’était empressé de le saisir avec le pinceau, mais dans la peignée qui suivit, Mona se rua sur Léonard pour briser son pinceau quoiqu’on ne sache rien de ce qu’on ne sait pas, quoique donc elle eût pu tout simplement le lui prendre et le mettre à sa bouche comme on arbora la fleur au fusil en croyant à victoire. On sait ce qu’il en advint, des tranchées et des tranchées qu’il fallut combler de soldats et d’obus. Ainsi l’eau bue jusqu’à la lie de la peignée, qui était revanche de Mona, cette dernière arbora à nouveau le sourire ineffable, cerise sur le propos pour preuve s’il en faut qu’il n’était pas engendré par le livre polisson mais par une façon à elle de sourire dont on s’étonne aujourd’hui encore après avoir étonné Léonard qui ne vainquit et fut vaincu comme en quatorze les poilus.

Bravo !

L’âne donc se trouvait singularisé par ce sourire mais pas totalement puisqu’il ressemblait à celui de Mona. Ce sur quoi discutaient l’Adjudant, l’Arverne et le Pirate.

Discussion philosophique telle que l’entendit Irma pendant que les gendarmes dormaient.

– Il sourit.
– Mais son pelage est de rat.
– Ah, ah !

Cela commençait bien comme on le voit, si bien qu’Irma s’assit là en leur compagnie. Foin donc des herbes assassines, chacun s’était assis dessus et en croquait quelques pincées sans y prendre garde, la garde gendarmique dormant par complaisance et peut-être ruse car qui sait ? Et l’on continua à disputer.

– Mais l’âne est-il un âne dans la mesure où par le sourire il ressemble à Mona.
– Se pourrait-il donc qu’il eût en sa constitution une partie de Mona.
– Un gène qui se serait glissé en lui ; il faudrait alors voir s’ils sont de même souche.
– La question mérite d’être posée, et nous ramène à la généalogie. Voyons, mon cher Eugène, dites-nous sans gène ce qu’il en est de ce croisement, car nous n’en doutons pas, il y eut croisement, nous ne sommes pas en droite ligne de parenté mais en mélange hybride, débridé en quelque sorte puisqu’engendrant contra natura ; mais engendrant quoi ? Ce sourire certes mais les oreilles, curieuses les oreilles ; vous dites quoi, que ce fut un cheval ? mais a-t-il des oreilles de cheval ? Non ou bien oui ?
– C’est bien possible, conclut Irma pour fermer la bouche à l’Adjudant.

Eugène voyant la place libre pour la parole s’en empara et dit, comme la réalité d’un être qui tombe dans une notion complète, ce qui suit : l’âne comme Alexandre le Grand comprend en lui les traces de tout ce qui lui est arrivé et arrivera dans l’infinité de ses prédicats.

– C’est bien joli tout ça mais que devient Mona.

Et nous les laissons là car aussitôt le ronflement de la ronflette qui égaillait les narines des gendarmes cessa, si bien que, troublé par l’absence de bruit qui est en quelque sorte comme un bruit plus fort, ce qui ne manque pas d’être paradoxal sans cesser d’être présentement exact et cela se vit aux oreilles de l’âne qui se dressèrent ; et de ce dressage d’oreille, il s’ensuivit que l’âne les montra un peu plus longues qu’on ne les avait aperçues.

– L’âne aurait-il des oreilles d’escargot ? Érectiles donc !

Et nous en serions revenus au même si :

– Ah mais voilà qu’il bave ! Constata en bâillant un gendarme ou gens de rame comme on dit à Ricot.

L’art de retomber sur ses pattes (extrait Farfali)

On dit que Boileau aurait déclaré « le désordre est un effet de l’art » et c’était un joli tableau que vint compléter le pinceau qui n’était pas incongru comme il arriva qu’un parapluie le fut sur une table. Il est vrai que la table à manger n’est pas table à vivisection quoique : « tenez donc de la dinde », avance la marquis à la jeune Juliette qui se croit traitée de poule et s’écrie sous la pointe acérée « tiens, voilà les marrons ! » et les petits poings molestent le marquis qui n’est pas molosse et croque un os de dinde qui se met en travers sous les sévices des biceps prompts qu’onc de sa vie vit sexe mignon avoir, se dit-il avant de gerber l’os à même la nappe, rendant donc dehors ce qui était dedans comme on montre les entrailles sous le bistouri.

Aux Éditions de l’Arbre vengeur :
Anecdotes et joyeux propos biographiques du pirate Farfali et comment il arriva, pour finir, qu’il débandit
Joël Roussiez
Illustrations de couverture d’Alban Caumont
ISBN : 979-10-91504-57-7
424 pages
Format : 145 x 210 mm
Parution : 19 octobre 2017
Prix : 20 €

ÉDITIONS DE L’ARBRE VENGEUR
15 RUE BERTHOMÉ
33400 TALENCE
http://www.arbre-vengeur.fr

* * *
Illustrations : Détails — Camille Corot.