mercredi 23 septembre 2015

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Couleurs

Isa Sator

, Isa Sator et Jean-Louis Poitevin

L’œuvre entière d’Isa Sator se déploie dans ce va-et-vient entre ce qu’elle reçoit du monde, ce qu’elle y capte et la force qui vibre en elle et la pousse à redonner à sa manière ce qu’elle a reçu.

Couleurs

Accepter d’être soi, c’est se sentir suffisamment forte pour oser dire : « Je viens d’Andromède, je ne suis pas d’ici. » Cette mise à distance de l’évidence de l’appartenance à cette humanité étrange et violente est le cœur secret du travail d’Isa Sator. C’est à Nouméa qu’elle découvre à travers un lieu magique, l’île des pins, la puissance harmonique et salvatrice de la nature et des couleurs. Elle fait dans ce pays à la nature foisonnante qu’est la nouvelle Calédonie, l’apprentissage de la liberté et la découverte de la puissance émotionnelle des couleurs.
L’œuvre entière d’Isa Sator se déploie dans ce va-et-vient entre ce qu’elle reçoit du monde, ce qu’elle y capte et la force qui vibre en elle et la pousse à redonner à sa manière ce qu’elle a reçu. Elle le fait par la peinture.

Dessin et couleur

Isa Sator est peintre. L’apparente légèreté de certains des thèmes qu’elle aborde, les femmes, les copines, le désir, le plaisir, eux aussi souvent vus au féminin, ne doit en rien occulter le fait qu’elle porte un œil attentif sur les questions essentielles ou les dérives qui agitent ce monde et qu’elle les évoque à sa manière, à travers la joie de la couleur et la vivacité du trait.
Peindre, c’est se confronter à la tension inévitable entre dessin et peinture, entre trait et couleur, entre formes définies et gestes qui les recouvrent, entre puissance expressive de la ligne et puissance sensuelle des couleurs. Cette tension traverse et fonde absolument toute l’histoire de l’art. Chaque artiste doit la prendre en charge. C’est la manière de le faire qui déterminera en grande partie son style.
Isa Sator a choisi d’installer entre dessin et couleur une relation de complémentarité contraire. En effet, elle travaille dans un premier temps selon une méthode classique. Elle a recours à une esquisse dessinée qui donne l’architecture globale du tableau. À partir de cette esquisse, elle porte un premier grand dessin sur la toile qui va lui servir de trame. Elle précise et affine son dessin sans que celui-ci ne devienne trop chargé. Le blanc du fond de toile constitue une surface suffisamment importante pour appeler la couleur.
Si la composition joue un rôle important dans les œuvres d’Isa Sator, c’est surtout ce qui arrive au tableau à partir de ce « sol », unité de dessin et de couleurs, qui constitue le cœur de son travail.
Poser la couleur se fait en suivant les lignes des corps, l’intérieur du corps étant perçu pendant un court moment comme une sorte de réserve de blanc, de sas de respiration. Puis vient le tour des corps ou de la chair. Là, il en va de même que pour l’espace qui entoure le corps. S’il y a plusieurs corps dessinés, chacun est travaillé comme une surface unique et donc à partir d’une seule couleur qui lui est propre et qui donc le définit. C’est donc l’unité d’une ligne et d’une couleur qui porte la mise en place de chaque figure.
Le travail d’Isa Sator est aussi fondamentalement porté par un besoin de mise en relation de plans colorés. Faire une toile, c’est jouer, au sens ou un jeu de tensions et de déséquilibres entre formes et couleurs est un processus dynamique de dépassement programmé. Ce « moment » constitue le véritable kairos de l’œuvre. Ce temps de l’occasion opportune existe pour chaque tableau. Il en constitue le cœur battant. Il est ce moment à partir duquel doit être mis en en jeu le plongeon dans le chaos et la possibilité d’en faire émerger un équilibre nouveau.

Trait-couleur

Une fois chaque personnage défini par son trait et sa couleur, a donc lieu le moment de l’élaboration du tableau. Il faut qu’existe ce temps où l’œuvre est comme en suspens au-dessus du vide. Lui seul permet à l’artiste de développer ce qui constitue sa manière ou si l’on veut son style.
La signature visuelle d’Isa Sator passe par le choix d’une détermination picturale du corps, des objets, des formes. Elle se fait au moyen par un dessin qui n’est plus celui, premier au fusain sur le fond blanc, mais second, fait au moyen des pots de peintures qu’elle perce de trous suffisamment fins pour qu’ils laissent passer la couleur et permettent au geste de se déployer. Ce geste, ce trait, ces lignes se situent entre le geste du trait au fusain et le geste qu’elle aurait si elle peignait au pinceau. Ce geste est celui du trait-couleur.
Le trait-couleur est ce qui permet de singulariser chaque élément qui se trouve sur la toile. Par lui, le tableau émerge du chaos comme une totalité. Les étapes précédentes du travail, traits noirs et masses colorées sont à la fois niées et dépassées par le trait-couleur. Yeux, cheveux, lèvres, lignes du corps ou du vêtement, contour de l’objet, guitare ou voiture, arbre ou fleur, tout est emporté dans un mouvement de reprise qui n’est pourtant en rien un repentir. Au contraire, le trait-couleur est le moyen d’un accomplissement.
À partir de la dialectique inévitable entre trait et couleur qui porte la peinture, Isa Sator invente une manière propre de peindre qui lui permet de parvenir à l’expression forte d’émotions plurielles.
Le trait-couleur unifie la puissance envoûtante de la couleur à la puissance expressive du dessin. Grâce à lui qu’elle peut s’emparer de n’importe quel sujet et le conduire jusqu’à nous. Le trait-couleur, en tant que vibration colorée intense est ce par quoi la peinture d’Isa Sator, nous emporte au-delà des signes et des symboles en nous faisant éprouver par la porte ouverte de l’œil, les tremblements de la chair.

Isa Sator exposera du
DU JEUDI 29 OCTOBRE AU 19 NOVEMBRE
VERNISSAGE JEUDI 29 OCTOBRE
Galerie JPHT
4 rue de Saintonge – 75003 Paris
Tél : 06 08 25 45 97