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Combattre la langue du covidisme
Le débat interdit — Langage, Covid et totalitarisme Ariane Bilheran et Vincent Pavan
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« Il convient de manifester sans réserve son propre désaccord sur le modèle de société fondé sur la distanciation sociale et sur le contrôle illimité que l’on veut nous imposer »
Giorgio Agamben, Contagion & Phase 2
La 4e de couverture de ce livre essentiel pour penser/panser notre époque où domine absolument la crise du Covid nous met tout de suite sur le droit chemin : « De l’autre côté des mots, une autre vision de la crise. » Très vite dans l’argumentation de ce livre, appelé à devenir un « classique », les deux auteurs (Ariane Bilheran est psychologue docteure en psychopathologie ; Vincent Pavan est maître de conférence et chercheur en mathématiques à l’université d’Aix-Marseille) étayent leur pensée sur deux des penseurs les plus importants du fait totalitaire : Hannah Arendt (auteur de l’essentiel ouvrage Le système totalitaire : les origines du totalitarisme) et Viktor Klemperer (auteur du non moins remarquable LTI : la langue du IIIe Reich).
Le premier exergue du livre est emprunté à Klemperer : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps, l’effet toxique se fait sentir. »
- Viktor Klemperer
Dans cette crise dite du Covid-19, les mots ont eu, sans que l’on s’en rendisse compte au début (et sauf quelques-uns d’entre nous), une importance capitale – via entre autres choses le désormais fameux nudging, ou littéralement, issu de l’anglais « to nudge », « pousser du coude ». Le principe du nudging, issu des travaux de l’économie comportementale qui postule qu’un individu bien informé n’est pas pour autant un agent rationnel, consiste à inciter en douceur les individus à changer leur comportement sans même qu’ils agissent consciemment. Ainsi les expressions #JerestechezmoiJe sauvedesvies (bel oxymore, au passage…), #JemevaccineJeprotègelesautres, gestes barrières, distanciation sociale etc., sous la poussée des cabinets de conseil tels que McKinsey, se sont-elles répandues comme une traînée de poudre sur la quasi-totalité de notre planète, balayant bientôt toute sociabilité, tout lien social, toute culture, et bien des liens affectifs — jusqu’à provoquer pour finir dépressions, faillites et même suicides en série. Les mots sont violence ; ils peuvent même aller jusqu’à tuer.
Tout l’intérêt de ce livre est de dérouler, sous forme de 4 chapitres principaux tous axés sur une perversion principale (« La perversion de la science », « La perversion de la langue à des fins politiques », « La perversion morale, épistémologique et psychologique », « L’idéologie sanitaire et le paradigme totalitaire »), le récit d’une propagande mondiale qui a très vite interdit tout débat sous peine d’être taxé « d’ennemi de l’intérieur » ou de « complotiste ».
La perversion de la science
Pour ceux qui ont suivi les débats du CSI (Conseil Scientifique Indépendant), Vincent Pavan en a été le mathématicien théoricien de la science épidémique ; dans ce chapitre très pointu, il démonte une à une toutes les doxas auxquelles on a voulu nous faire adhérer, et tout d’abord celle du confinement général de toute une population. Lisons-le : « Ainsi, le premier postulat était posé : les modèles de Ferguson et les calculs qui y furent adossés correspondaient à une réalité. C’est précisément à partir de cet instant que le délire collectif commence. La déliaison au réel est actée, et dès lors va s’imposer le postulat de la prédominance de chiffres arbitraires issus de la spéculation modélisatrice, en lieu et place du dénombrement statistique des sciences opératives (celles qui partent des faits et les mesurent) » (c’est moi qui souligne). On retrouve là les positions du professeur Raoult : l’observation contre la modélisation, le réel contre les jeux vidéos. Il ne sera pas inutile de citer ici un livre de Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, qui prédisait la création d’un nouveau monde digital, l’hyperréalité, où la « réalité digitale » n’aurait plus aucun lien avec la réalité physico-chimique. (Est-il utile de préciser combien Baudrillard fut prophète en la matière ?) Il est bon aussi de souligner, avec Vincent Pavan, que « le code en question [les modélisations de Ferguson] ne dit jamais rien des traitements médicaux que l’on peut apporter à une infection virale » ; ce qui rejoint le second axiome d’un autre livre important qui a traité de cette question, La doxa du Covid de Laurent Mucchielli (chercheur en sciences sociales au CNRS) : « Il n’y aurait pas de traitement possible du Covid… » « L’idée, par exemple, qu’une personne malade serait soignée et diminuerait sa charge virale [par exemple avec de l’hydroxychloroquine ou de l’ivermectine…] de sorte que, même encore infectée, elle ne soit plus contagieuse, ne semble pas pouvoir entrer dans la modélisation. » Il fallait à tout prix (mais pourquoi ?) que la confrontation du raisonnement à l’expérience fût interdit ! Il devint assez vite impossible, psychologiquement, à nos décideurs de revenir en arrière, et d’émettre la moindre critique des mesures prises, si absurdes et coûteuses fussent-elles : « Le délire paranoïaque s’organise dans l’auto-engendrement. »
La perversion de la langue à des fins politiques
Tout ce chapitre se construit à partir d’une réflexion sur le maître ouvrage de Viktor Klemperer déjà cité. « “Pour se justifier, ils changèrent la valeur habituelle des mots par rapport aux actes qu’ils qualifient”, disait l’historien grec Thucydide au sujet des hommes politiques responsables de la guerre du Péloponnèse. » Qui ne se souvient de ces innombrables injonctions paradoxales — véritables inversions de toutes valeurs — au cours de ces deux années passées ? Le masque, c’est la liberté ! Par affection, je reste à distance de mes proches. Je reste chez moi, je sauve des vies ! Je me vaccine pour protéger les autres. Etc., etc. Plus encore, très souvent les mots furent tordus, via l’utilisation permanente des euphémismes : ainsi l’emploi de « confinement » pour « séquestration » ; ainsi les innombrables slogans martelés à toute heure du jour et de la nuit, comme de Nouvelles Tables de la Loi : « Je mets un masque, je protège les autres », « Restez chez vous : le meilleur moyen d’être bientôt avec vos proches », « Restez proches de vos contacts même à distance », « Votre masque me protège », etc. Qui pourrait encore prétendre aujourd’hui que toutes ces torsions du réel et du sens des mots, « dignes » du célèbre roman d’Orwell 1984, n’ont pas provoqué d’innombrables dégâts psychologiques dans les populations — et particulièrement chez les enfants ? « Le délire contamine le discours par des glissements de sens », exactement comme lors des grands totalitarismes du passé. La langue totalitaire clive : « dans la langue totalitaire, les mots divisent », et le partage de sens entre ceux qui ont accepté intégralement la Terreur sanitaire et les autres n’est plus possible. « La langue est confisquée au service d’une idéologie sectaire » : la vérité devient ce que décide le plus fort qui est au pouvoir. Le covidisme radical est bien une secte, du latin secare, « couper » ; c’est-à-dire que cette nouvelle religion tyrannique de l’hygiénisme nous a coupé de notre ancienne humanité. Comme toute secte, il a avec ses innombrables artefacts que ses adorateurs manient comme autant de fétiches symboles d’une obéissance au Grand ordonnateur (le masque, « boire assis », « se masquer debout », etc.), et ses gourous (Bill Gates, Anthony Fauci, Klaus Schwab). C’est une nouvelle religion, avec ses dogmes : « La vaccination universelle, seule, nous permettra un retour à la vie normale » (Bill Gates, dès avril 2020 – point qui constitue le 3e axiome du livre de Mucchielli déjà cité). Le covidisme international obéit en tout point à la définition d’un mouvement sectaire selon la Commission consultative des droits de l’homme : « Association de structure totalitaire, dont le comportement porte atteinte aux droits de l’homme et à l’équilibre social. » Ariane Bilheran (puisque c’est elle qui parle dans ce chapitre, pensons-nous) rappelle à toutes fins utiles le précédent nazi d’une ghettoïsation pour raisons « sanitaires » (une épidémie de typhus dans la communauté juive de Varsovie)… ainsi que la surreprésentation des médecins dans le Parti Nazi en Allemagne durant les années 30 et 40… Est-il utile d’insister ?
La perversion morale
Toute idéologie s’agrège toujours autour de dogmes réputés infaillibles ; ainsi s’installent les psychoses paranoïaques. Mais aussi : « Dans le totalitarisme, il faut toujours créer l’instabilité, et la légalité doit être perçue comme constamment changeante » (d’où les innombrables protocoles « sanitaires » pendant ces 2 dernières années, et en particulier à l’école (plus d’une centaine furent répertoriés), presque aussi changeants que la météo). C’est ici que Ariane Bilheran s’appuie sur la pensée capitale d’Hannah Arendt, dans son maître ouvrage Le système totalitaire : les origines du totalitarisme.
- Hannah Arendt
Le délire paranoïaque prend toujours l’exception pour la règle, et l’érige en norme (la fameuse (fumeuse ?) « Nouvelle Normalité » (ou New Normal, en anglais, encore plus effrayant quand on sait comment la Californie a traité ses sujets, et en particulier ses enfants). Très vite, la parole publique en société totalitaire n’a plus aucune valeur d’engagement : le Pouvoir peut se contredire sans arrêt (par exemple sur le port du masque), et mentir tout le temps (« le pass sanitaire ne sera jamais imposé pour les activités quotidiennes », « je ne rendrai jamais la vaccination obligatoire », etc.). Il n’y a plus aucune stabilité dans les règles, les droits humains sont sans cesse de plus en plus profondément violés (exemplairement, le droit de disposer de son corps) ; c’est le coup d’État permanent ! comme en régime fasciste (et comme déjà théorisé par Carl Schmitt en son temps (Du libéralisme autoritaire), ou Giorgio Agamben plus récemment).
L’idéologie sanitaire et le paradigme sanitaire
Ariane Bilheran nous met en garde : « Les processus d’apartheid en train de se mettre en place [[enfermer les non vaccinés, dans des caves s’il le faut ; ne plus soigner les non-vaccinés, leur interdire l’accès à tout un tas de lieux, comme aux Juifs durant le Seconde Guerre mondiale, dans une bien étrange concordance des lieux interdits], se terminent toujours, s’ils ne sont pas freinés, par des politiques concentrationnaires et génocidaires. » Pour l’instant, ces pulsions ont pu être freinées… quoique en Chine les camps d’isolement-Covid, où l’on sépare les enfants de leurs parents, commencent à rappeler de très mauvais souvenirs… Hannah Arendt, nous rappelle Ariane Bilheran, avait déjà souligné que la mise au pas des intellectuels précédait toujours celle des gens du peuple. Que dire du silence des intellectuels français depuis deux ans ? Comment doit-on l’interpréter ?
Lisons par-dessus les épaules de nos deux auteurs un extrait du Journal (1939-1942) de Goebbels : « Dans le ghetto de Varsovie, on a noté une certaine montée du typhus. Mais on a pris des mesures pour qu’on ne les fasse pas sortir du ghetto. Après tout, les Juifs ont toujours été des vecteurs de maladies contagieuses. Il faut ou bien les entasser dans un ghetto et les abandonner à eux-mêmes, ou bien les liquider ; sinon, ils contamineront toujours la population saine des États civilisés » (c’est moi qui souligne). Ce qui a changé depuis les temps des fascismes premiers européens, c’est l’état de la technique : « Dans la néo-réalité numérique, l’être humain est traité comme un algorithme » ; et les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) ont rendu encore plus facile l’atomisation des individus (comment envisager le télétravail sans Internet, l’école en « distanciel » sans Zoom ?), ainsi que leur endoctrinement via le telescreen orwellien : « Cet isolement, avec la disparition des liens familiaux et des intérêts culturels, fait le lit idéal du totalitarisme » : « Hannah Arendt le disait bien, il s’agit de créer un état d’instabilité permanente », et même « d’empêcher l’avènement d’une nouvelle stabilité ».
Débattre, le voulez-vous ?
Langage, Covid et totalitarisme
Ariane Bilheran et Vincent Pavan
Guy Trédaniel éditeur, 354 p. 21,90€