vendredi 1er juillet 2022

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Che vuoi ?

Francisco Tropa au Creux de l’Enfer à Thiers

, Virginie Rochetti

Au Creux de l’Enfer, mais dans la Croix de Fer, une porte donnant sur le vide, une porte sans murs, un passage entre les mondes.

Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.

Ce passage en équilibre sur une limite mentale est maintenu entrouvert par le poids d’un seau de charbon pendu au bout d’une corde. Le charbon, matière chthonienne s’il en est, se tient suspendu entre les mondes, comme allégorie des dessous, des matières terriennes, des enfers, de la sueur humaine, allusion au travail du métal, allusion au passé ouvrier du lieu dans lequel nous nous trouvons.

Autour des projections d’objets : une pierre, une agate dont l’image, portée sur un écran blanc, nous ouvre l’entrée de la caverne, allégorie référencée, un passage, encore. Dans ce passage s’inscrit l’ombre du seau de charbon.
D’un faisceau croisé, une goutte d’eau surgit et de cette seconde projection, le temps de l’eau qui coule.
Deuxième allusion au lieu dans lequel nous nous trouvons, le torrent de la Durolle qui dévale en contrebas.
L’énergie de l’eau liée à l’énergie humaine. Dans un quadruple jeux de regards passant des éléments eau, terre, lumière-air, le feu remplacé par la sueur ou la lumière, c’est un passage à l’image des circulations croisées.

Le travail de Francisco Tropa met en jeu un univers multisensoriel et poétique à plusieurs niveaux de lecture.
En pénétrant dans la salle de béton brut et d’acier de la Croix de Fer, le souvenir de l’univers industriel qui a fait l’histoire de Thiers vous saisit d’entrée. Dans la pénombre, une enseigne clignote.
Che vuoi ? Que veux-tu ? Qui s’entend aussi, Que désires-tu ?
Puis, le lieu s’ouvre à vous, installation faite de projection d’objets, de dispositifs optiques, lanternes artisanales et d’éléments construits, une estrade, une porte entrouverte, un seau de charbon suspendu… Des éléments très simples, très lisibles. Pourtant, d’entrée, on est saisi par la beauté, le calme de l’installation.
Alors, on regarde, et comme mis en abîme, des univers de symboles et de référence s’ouvrent à vous, se mettent à jouer, à circuler, à rebondir d’une image à l’autre.

De Platon et sa caverne, en passant par le Torii shintoïste, cette porte érigée dans le vide séparant symboliquement le monde physique du monde spirituel, de Jacques Cazotte et son Diable amoureux, au goutte-à-goutte du temps qui s’écoule, de l’eau du torrent coulant en contrebas, à celle de la sueur des ouvriers qui travaillèrent ici, du charbon évoquant le feu, au seau suspendu évoquant le Pendule ou la Mort, quelque arcane mystérieux se dressant sur l’estrade, tout ici parle et se répond, plongeant le spectateur dans des abîmes vertigineux.

Puis, on revient au regard, à l’enfance, à la magie des projections, des lanternes et l’on se trouve émerveillé. Plus besoin d’une quelconque référence pour s’absorber dans le dessin de l’agate qui nous fait l’entrée de la grotte, la transparence de l’eau se mouvant en temps réel. Et voilà la force de cette installation. Elle vous parle à tout niveau, quel que soit votre âge, votre culture, vos résistances et vous emporte, en quelques instants, dans la contrée magique de l’art.

Et qui clignote au loin, cette inscription « Che vuoi ? »
Dans ce labyrinthe mental, que diable serait-il, ton désir ?

Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.

Le centre d’art du Creux de l’Enfer mène, sous la houlette de sa directrice Sophie Auger-Grappin, une ambitieuse politique d’intégration au tissu industriel et artisanal de la ville de Thiers, par le biais d’un programme de résidences-collaborations entre les artistes et les acteurs du renouveau industriel de la ville, autour de la coutellerie, la plasturgie et le travail du métal.
Cette approche génère une formidable synergie entre le centre d’art et les acteurs du territoire, permettant à un public renouvelé de se sentir aussi acteur de l’équipement public.

La vision artistique est portée au cœur même de l’activité des habitants, créant par là même des liens forts entre monde de l’art et monde du travail, ce qui n’est pas chose courante. L’exposition de Francisco Tropa s’inscrit dans cette optique. Elle est le fruit d’un travail de plusieurs mois en collaboration avec l’entreprise de fabrication de poinçon Eprose qui a participé à la fabrication des lanternes.

Le centre d’art étant fermé pour travaux, l’exposition est présentée au CPACC-Croix de Fer, friche industrielle, nouvel espace artistique pensé comme un tiers lieu culturel et citoyen par Christophe Ménager.
Le torrent, en contrebas, rythme ce qui pourrait bien devenir le gouffre des arts dans une région au bord de l’abandon. Une manière passionnante de revivifier un territoire.

Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.
Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.
Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.

Voir en ligne : www.creuxdelenfer.fr

Che vuoi ? Francisco Tropa
du 18 juin au 25 septembre
Centre d’Art Contemporain de Thiers
Le Creux de l’Enfer
Centre d’art contemporain d’intérêt national
Vallée des usines
83, avenue Joseph Claussat 63300 Thiers
Tél : 04.73.80.26.56
info@creuxdelenfer.fr
www.creuxdelenfer.fr

Vue de l’exposition de Francisco Tropa, « Che Vuoi ? », CPACC – La Croix de Fer – production Le Creux de l’Enfer.
© Vincent Blesbois_Le Creux de l’Enfer.