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L’homme sans qualités
Un inédit d’Alexander Kluge (traduction de Vincent Pauval)
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En attendant la publication de l’entretien passionnant que nous a accordé Alexander Kluge en janvier, voici un premier inédit qu’il met à notre disposition. Figure non seulement emblématique mais d’une puissance créatrice incessante comme le prouve la publication de Chronique des sentiments au Éditions POL cet printemps, Alexander Kluge reviendra régulièrement dans les pages de TK-21 en 2017.
Der Mann ohne Eigenschaften
Einer der deutschen Autorenfilmer hatte eine Kalkulation aufgestellt, aber noch nicht bei den Gremien einreichen können. Es sollte sein nächster Versuch werden. Er neigte zur Verfilmung von Robert Musils Der Mann ohne Eigenschaften, von dem es heißt, es sei DER ROMAN DES JAHRHUNDERTS.
Der Produzent fragte den Regisseur :
Wollen Sie selber inszenieren ?
Ja.
Wenn Sie das Thema mal umreißen, ich kenne den Roman nicht, bzw. Ich habe ihn nicht zu Ende gelesen.
Bis wohin haben Sie denn gelesen ?
Den Anfang.
Das tun die meisten.
Wenn Sie den Inhalt mal in ein paar Sätzen andeuten ?
Der Mann ohne Eigenschaften…
Ist klar. Der hat keine Eigenschaften. Aber wieso nicht ?
Das ist der Titel.
Handelt das Buch denn nicht davon ?
Es handelt von einem Geschwisterpaar.
Mit oder ohne Inzest ?
Weiß man nicht genau. Einige Stellen gegen Ende des Buches deuten eher auf Inzest, andere sprechen dagegen. Der Mann heißt Ulrich, seine Schwester Agathe.
Aha. Und der Inhalt ?
Sie meinen die Handlung ?
Was passiert ?
Der Mann hat keine Eigenschaften. Das sagt etwas aus über das zwanzigste Jahrhundert. Das Buch enthält eine scharfsinnige Analyse des zwanzigsten Jahrhunderts.
Und was kommt heraus ?
Das steht nicht im Buch.
Vielleicht muss man es im Film hinzufügen ?
Ich wollte eigentlich bei dem Buch bleiben.
Ja, Sie müßten aber dem Zuschauer die Handlung mitteilen. Sie können nicht sagen, dieser Ulrich hatte keine Eigenschaften, und eine Handlung gibt’s auch nicht, und was das Jahrhundert angeht, wissen wir nicht, was herauskommt, und der Film hat keinen Anfang, kein Ende, und einen Mittelteil schon gar nicht. Das wäre z.B. für eine Vorankündigung ungeeignet.
Man kann jeden Stoff zureden, wenn man so redet wie Sie.
Der Mann ohne Eigenschaften ist an sich ein ganz guter Titel. Man denkt sich was dabei.
Sie sind also mit dem Stoff einverstanden ?
Sagen wir mal so : Ihr Hinweis, daß man jeden Stoff zerreden kann, wenn man die Ausdrücke richtig wählt, hat mich beeindruckt. Lauter Kurzfassungen, und danach veröffentlichen wir, daß da berühmte Stoffe sind. Dann muss der Zuschauer aufpassen.
Nur Inhaltsangaben ?
Ja. Und davon viele. Sozusagen der FILM OHNE EIGENSCHAFTEN. Junge Frau, die sich zu nichts entschließen kann, bekommt auch nicht den Mann, von dem sie glaubt, daß sie ihn will. Den anderen will sie aber auch nicht, darüber vergehen die Jahre. Ihr Kind verunglückt, und man weiß nicht, ob sie ihren Mann noch einmal wiedersieht. Der, von dem sie nur glaubte, daß sie ihn liebt, ist inzwischen gestorben. “Vom Winde verweht” ! Herrlicher Stoff !
Könnte man gleich mit einfügen.
Sagen Sie, das ergibt ein wunderbares Ratespiel !
Ich hatte aber vor, den Film über DER MANN OHNE EIGENSCHAFTEN…
Ich bin von meiner Lösung ganz begeistert. Man muß die Eigenschaften weglassen. Der Mann, das ware ein ganz brauchbarer Titel, hätte auch was mit dem zwanzigsten Jahrhundert zu tun.
Ich hatte mich aber entschieden…
Ja, ich weiß, aber ich halte Ihre Lösung nicht für schlagkräftig. Sie müssen mich ja nicht fragen, wenn Sie meinem Rat nicht folgen wollen.
Was für einem Rat ?
Na ja, Sie hören nicht zu.
L’homme sans qualités
L’un des auteurs réalisateurs allemands avait établi un budget, mais sans avoir pu encore déposer le dossier auprès des commissions. Ce serait sa prochaine tentative. Son désir était de porter à l’écran L’homme sans qualités de Robert Musil, qui passe pour être LE ROMAN DU SIÈCLE.
Le producteur demanda au réalisateur :
Vous comptez assurer vous-même la mise en scène ?
Oui.
Pouvez-vous donner un aperçu du sujet, je ne connais pas ce roman, ou plutôt je ne l’ai pas lu jusqu’au bout.
Jusqu’où l’avez-vous donc lu ?
Le début.
C’est ce que la plupart font.
Si vous pouviez en évoquer le contenu en quelques phrases ?
L’homme sans qualités…
Cela est évident. Il n’a pas de qualités. Mais pourquoi n’en a-t-il pas ?
C’est le titre.
Mais n’est-ce pas de cela dont il est question dans le livre ?
Il y est question d’un frère et d’une sœur.
Avec ou sans inceste ?
On ne sait pas trop. Certains passages vers la fin du bouquin le suggèrent, d’autres indiquent le contraire. L’homme se prénomme Ulrich, sa sœur Agathe.
Tiens donc. Et le contenu ?
Vous voulez dire l’intrigue ?
Que se passe-t-il ?
L’homme n’a pas de qualités. Cela en dit long sur le vingtième siècle. Le livre contient une analyse pointue du vingtième siècle.
Et qu’en ressort-il ?
Le livre ne le dit pas.
Ne faudrait-il pas le rajouter dans le film ?
En fait, je comptais m’en tenir au livre.
Certes, mais il faudrait tout de même faire part de l’intrigue au spectateur ? Vous ne pouvez pas dire, cet Ulrich n’avait pas de qualités, d’intrigue il n’y en a pas non plus, et pour ce qui est du siècle, on ne sait pas ce qu’il en sortira, et le film n’a ni queue ni tête, et encore moins de développement central. Cela se prêterait mal, par ex. à la promotion du film en amont.
On plomberait n’importe quel sujet à parler comme vous.
L’homme sans qualités est en soi pas mal comme titre. Ça fait cogiter.
Donc le sujet vous convient ?
Disons-le ainsi : votre remarque m’a impressionné, quand vous dites qu’on peut gâcher tous les sujets en parlant, pour peu qu’on choisisse bien ses mots. Une série de versions courtes, après quoi nous proclamerons qu’il s’agit-là de sujets connus. Le spectateur devra alors se montrer attentif.
Juste des synopsis ?
Oui, et en nombre. Le FILM SANS QUALITÉS, pour ainsi dire. Une jeune femme, indécise, n’obtient pas l’homme dont elle croit qu’elle veut de lui. L’autre, elle n’en veut pas non plus, les années passent. Son enfant est victime d’un accident et on ignore si un jour elle reverra son mari. Celui qu’elle croyait aimer, est mort dans l’intervalle. « Autant en emporte le vent » ! Excellent sujet !
On pourrait l’insérer sur le champ.
Cela ferait une merveilleuse énigme, dites-moi !
Seulement, le film, c’est sur L’HOMME SANS QUALITÉS…
Je trouve mon idée absolument enthousiasmante. Il faut faire l’impasse sur les qualités. L’homme serait un titre assez valable, d’ailleurs cela aurait un lien avec le vingtième siècle.
C’est que j’avais décidé de…
Oui, je sais, mais votre solution ne me paraît pas percutante. Et pourquoi me demander conseil, si c’est pour ne pas le suivre.
Quel conseil ?
Ma foi, vous ne m’écoutez pas.
Traduit de l’allemand par Vincent Pauval
Chronique des sentiments
etc.... à préciser