mercredi 1er novembre 2023

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Moyen-Orient

Israël et Palestine

Palestine et Israël

, Patrizia Di Fiore

Pourquoi et qu’est-ce qui me motivait ? Ces questions reviennent en boucle par tous ceux que j’ai rencontrés, en France et là-bas.
Oui pourquoi ? Parce que je voulais pouvoir aller à Gaza, mais je ne pouvais pas le dire. C’est un immense tabou. Je ne savais pas comment faire, mais c’était surtout cela qui me motivait.

Patrizia Di Fiore - Jérusalem Est

J’ai atterri à Ben Gourion et répondu aux questions en boucle de la police de l’aéroport : Why are you coming to Israel ? Que vais-je y faire et qui vais-je voir ? Avez-vous l’intention d’aller dans les Territoires occupés, à Gaza ? Êtes-vous d’origine arabe ?
J’ai été invitée au Kibbutz de Gezer, à mi-chemin entre Tel Aviv et Jérusalem. Puis à celui de Dvira, près de Bersheeva. Et aussi chez une famille d’origine française dans la colonie de Tekoa. Le dépaysement était total, radical !

À Jérusalem j’ai séjourné à l’Hôtel Pétra dans la Citadelle, c’était crasseux et hors du temps... Ensuite j’ai vécu au 24 de l’avenue Gershon Agron, au fond d’un magnifique jardin, dans une vieille maison avec des voûtes de l’époque ottomane. Et aussi, dans le même immeuble, dans un appartement au dernier étage, avec une grande terrasse. Tout près de là j’ai découvert la piscine de Mamilla, entourée d’un ancien cimetière musulman.

J’ai croisé beaucoup de monde et rencontré surtout des femmes, tous et toutes d’origines différentes, la plupart venaient de toute l’Europe, d’autres avaient des parents iraniens, irakiens, australiens... et bien sûr américains.

J’ai marché et encore marché dans Jérusalem et alentour. La ville moderne et l’ancienne, Méa Shéarim, le marché Mahane Yehuda, la Via Dolorosa, l’église Saint-Anne, l’Esplanade des Mosquées, le Mur des Lamentations... l’agitation de la ville sainte mais aussi les collines et les quartiers arabes, tout au long du chantier du mur, le Mont des Oliviers...

J’ai fait la connaissance de Mazal, une jardinière-paysagiste. Je l’ai suivie lors de ses déplacements professionnels. Elle m’a montré la vieille ville et les collines tout autour. Elle m’a expliqué les différentes routes, celles que les Israéliens pouvaient emprunter et les autres. Elle m’a raconté comment ses parents sont arrivés à dos d’âne depuis l’Iran.
Un jour Mazal m’a proposé de l’accompagner chez sa sœur qui, avec sa famille, vivait dans une colonie dans les Territoires occupés.

J’ai participé aux fêtes de Rosh Hashana, Yom Kippur et Sukkot.

Je suis allée à Ramallah, à Ma’ale Adumim, à Har Homa, vers le désert de Judée jusqu’à la Mer Morte... J’étais enthousiaste et dans un état amoureux, avec le sentiment que rien de mauvais ne pouvait m’attendre et encore moins m’arriver.

C’est dans cet état que j’ai failli arriver à Hébron, mais, 2 ou 3 kilomètres avant, une pierre m’a arrêtée net, la réalité des territoires m’avait douloureusement rattrapée. C’était la panique totale et une unité de Tsahal arriva.
J’ai tremblé et pleuré, un militaire a essayé de me rassurer en me disant que tout était sous contrôle...

Je suis arrivée en ambulance à l’hôpital Hadassa de Jérusalem, j’ai été soignée par un médecin palestinien qui, après m’avoir bien nettoyé la tête, m’a recousu la peau du crâne. Il m’a dit aussi que j’avais eu beaucoup de chance.

Après une semaine j’ai enfin osé reprendre, timidement, la route. D’abord vers le sud à Beer-Sheva, Eilat, la Mer Rouge et puis vers le nord à Nazareth, Tibériade, Safed, Qatsrin... Akko, Haïfa. Et enfin Tel Aviv.

À mon retour en France, Arafat était à l’agonie dans un hôpital parisien...
Quelques années plus tard, j’ai été invitée, via le ministère des Affaires étrangères français, pour animer un atelier photo, pendant deux semaines, dans le Centre culturel français de Naplouse, avec des étudiants des Beaux-arts.
Le même ministère avait convenu avec les autorités israéliennes que je puisse me rendre aussi à Gaza, afin d’échanger avec des habitants, autour d’une présentation de mes images dans le Centre culturel, avec un laissez-passer de deux jours...

Le mardi 17 avril, à 7 h 30 du matin, avec le directeur du Centre culturel de Gaza nous sommes partis de Jérusalem, pour nous rendre au passage ultra-sécurisé d’Erez. Tout est allé très vite, tout allait trop vite !

Mais j’étais à Gaza...

Patrizia Di Fiore - Gaza

Après avoir passé le check-point, notre voiture a été encadrée par d’autres véhicules blindés, avec à bord des gardes du corps, armes à la main. Le convoi roulait à très vive allure, même en plein centre-ville bondé de monde.
J’ai aperçu des enfants qui fouillaient des montagnes de déchets... il y avait tellement de monde dans les rues, plein de confusion, de bruits... et on entendait sans arrêt des rafales de mitraillettes.

Au centre culturel, le personnel avait préparé une très jolie réception. C’était délicieux ! Contrairement à ce qui se passait dehors, tout le monde était très calme et joyeux.
Puis, après avoir mangé, il y a eu dans une toute petite salle, la présentation de mon diaporama, avec des échanges très forts. Les quelques personnes qui étaient présentes, posaient beaucoup de questions, me racontaient aussi plein de choses... Elles faisaient durer la rencontre, elles auraient voulu me garder. Moi aussi j’aurais voulu pouvoir rester, partager encore, rencontrer plus les habitants, marcher, découvrir les différents quartiers de la ville et de toute la bande jusqu’à Khan Younès, jusqu’à Rafa, voir la plage et la mer, faire des photos... Mais pour des raisons de sécurité il en était hors de question.

J’ai passé la soirée et la nuit dans l’appartement du directeur du centre culturel. Dehors c’était la tempête de sable.

Le lendemain matin j’étais conviée à une conférence à l’université de Gaza. Après la rencontre nous avons récupéré nos affaires et nous nous sommes rendus au terminal d’Erez, pour quitter Gaza. Le directeur a pu passer rapidement grâce à son passeport diplomatique. Moi j’ai dû emprunter le long couloir pour arriver au terminal, passer des sas, entrer dans une cabine, mettre mes bras en l’air et écarter mes jambes, ouvrir grand ma bouche pendant que les rayons X me scrutaient de partout et en profondeur... et enfin subir un interminable interrogatoire, avant qu’ils décident de me laisser passer.

Souvenirs de mes deux voyages en Palestine et Israël, en 2004 et 2007

Patrizia Di Fiore - Akko
Patrizia Di Fiore - Cisjordanie
Patrizia Di Fiore - Désert de Judée
Patrizia Di Fiore - Désert du Néguev
Patrizia Di Fiore - Gaza Chez Gaëtan
Patrizia Di Fiore - Har Homa
Patrizia Di Fiore - Jérusalem Est
Patrizia Di Fiore - Ma ale Adumim
Patrizia Di Fiore - Mer Morte
Patrizia Di Fiore Mer Morte
Patrizia Di Fiore - Nablous
Patrizia Di Fiore - Tel Aviv
Patrizia Di Fiore - désert du Néguev
Patrizia di Fiore - Gaza

Voir en ligne : www.patriziadifiore.com