dimanche 26 mai 2019

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Dans Un Grain VIII

Ep. 08 Bioetoil

, Guillaume Dimanche

L’épisode huit de DUG, confronte une production et une réalisation. Toutes deux issues d’un travail de la terre. L’un se fait en harmonie, en connaissance et en échange, en respect de certaines contraintes. Harmonieux. L’autre est le résultat d’une ponction que l’on croit sans fin, hors d’un quelconque horizon. Invisible. L’un se fait avec des connaissances millénaires, lentement améliorées, dans un milieu aride, dans une certaine sagesse. Obligée. L’autre, pas encore centenaire, à peine seulement dans toute sa puissance d’exploitation, déborde de domination, financière et politique, climatique. Destructeur.

Oil et bio. Bio et oil. La carotte et le pétrole.

Longtemps, pendant quelques millénaires, des êtres ont vécu sur une petite presqu’île désertique, la plupart de l’année sous un climat à la limite du vivable, stérile, adaptés. Pourtant, évidemment, il y a une petite vallée, au dessus peut-être de la seule nappe phréatique d’eau utilisable pour organiser un peu d’agriculture. Trop peu productive, évidemment, mais suffisante pour quelques milliers d’individus, voire quelques dizaines de milliers, certainement pas plus. Les agréments modernes, massifs, que nous connaissons sur nos terres n’ont pas été choisis ici. La production agricole est à main d’homme, à dos d’âne. Il y a bien sûr des évolutions mécaniques, réfléchies, modernes, des serres protègent des rayons solaires et aident à la conservation de l’humidité, un réseau d’irrigation en goutte à goutte, attentif, économe, responsable, qui renforcent l’attention écologique à cette fragile économie. La production locale est presque accessoire aujourd’hui, tant elle ne peut nourrir qu’une infime partie des habitants, inutile.

Autour, à quelques kilomètres, partout, mais cachés, subtils et discrets, d’autres tuyaux parcourent l’horizon. Depuis 80 ans seulement sortent des sous-sols, voisins de l’eau filtrée, des poches et des réserves de vieilles roches liquides, des amas de biosphères transformés, des hydrocarbures, des CnHn, du pétrole et du gaz. Ils ont fait la richesse, ils font le pouvoir. Ils ont transformés le paysage, le confort des hommes. Les générations passées, les ancêtres ont souffert sous les tentes sur le sable stérile. Les quelques générations d’aujourd’hui auront brûlé bien plus que jamais auparavant. Aveugles aux transformations en cours, au dérèglement engendré par cette production, par nos besoins inventés, par nos consommations, nous brûleront et nous noierons de ces extractions. Les déchets ne sont plus nourrissants, ils sont polluants et maintenant mortels, dans les mers et les océans, dans les airs, les prairies et les forêts. Nous jouons au chimiste avec ces éléments naturels, essentiels, profanés.

Les autochtones du golfe, déjà habitués à la rigueur extrême, seront peut-être moins sensibles que nous, habitants des continents tempérés, aux mouvements inconnus de notre belle invention, le climat en crise.